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ceux-ci sont d’une nature plus rude ; ils n’ont ni l’élégance de ses formes, ni cette délicatesse de mœurs qui perce ici dans les habitudes des classes les plus humbles ; il existe entre eux et lui la même différence qu’entre les statues romaines et les statues grecques : celles-ci offrent, à ne s’y pas méprendre, le type des formes qui se sont conservées dans ce coin de la France, et la famille de la Vénus d’Arles[1] semble y former encore le fond de la population.

Cette belle race ne croît pas en nombre. Du recensement de 1811 à celui de 1841, la population s’est élevée à Nîmes de 37,721 ames à 41,180 ; à Avignon, de 23,739 à 32,109 ; à Marseille, de 102,217 à 147,190 : elle est descendue à Arles de 20,151 à 19,406, dont 12,155 seulement sont agglomérées dans l’enceinte de la ville. En remontant au commencement de la révolution, l’amoindrissement est encore plus sensible ; en 1789, la commune comptait 25,034 habitans.

Il serait plus curieux qu’utile d’examiner si cette décadence d’une ville, autour de laquelle tout grandit, tient à la perte des institutions locales qui jadis retenaient les Arlésiens chez eux. Quoi qu’il en soit, la diminution a porté sur la population urbaine et non sur celle de la campagne. La ville est parsemée d’hôtels aujourd’hui solitaires, et l’on ne parle pas de fermes abandonnées. Le territoire agricole s’est au contraire accru et assaini, et, si la ville doit revenir à son ancienne prospérité, ce sera par la réaction des améliorations auxquelles il se prête.

Ce territoire ne ressemble à celui d’aucune de nos villes : il a une étendue de 123,014 hectares, et forme à lui seul le quart du département des Bouches-du-Rhône ; mais il comprend sur la rive droite du Rhône presque toute la Camargue, et sur la rive gauche de vastes marais et la célèbre plaine de la Crau. On y compte à peine 16 habitans par kilomètre carré, au lieu de 91, comme sur les trois autres quarts du département. Déduction faite de la superficie et de la population de la ville, il ne reste dans la campagne que 6 individus par kilomètre : ce n’est pas les deux cinquièmes de ce qu’offrent les plus mauvais cantons des Landes. Doublement intéressante par le malheur de son état actuel et

  1. La statue de ce nom a été trouvée en 1651 dans une fouille faite au théâtre d’Arles : on la croit copiée d’un bronze de Praxitèle. Les mutilations qu’elle a subies, et dont la plus regrettable est celle des bras, sont la suite d’un accès de ferveur dans lequel les nouveaux chrétiens d’Arles renversèrent, au IIIe siècle, toutes les images païennes qui décoraient leurs murs. La Vénus tenait de la main gauche un miroir, et, cette donnée admise, son mouvement est plein de grace et de coquetterie. En la restaurant avec un médiocre bonheur, on ne lui a pas rendu cet accessoire, et, faute d’être expliquée, l’attitude parait fausse et maniérée.