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fonctionner en Prusse. Les restrictions apportées au droit électoral et aux attributions politiques subsistent toujours ; les huit diètes de la monarchie ne sont encore, à proprement parler, que des conseils administratifs. La nouveauté consiste en deux points : 1° lorsque le roi le voudra, ces huit diètes se réuniront et formeront une assemblée générale, mais encore consultative, sauf le cas prévu par la loi de finances de 1820, le cas où il s’agirait d’un nouvel emprunt ou d’un nouvel impôt ; 2° les comités permanens accordés en 1842 à ces huit diètes et autorisés à siéger dans l’intervalle des sessions seront de droit réunis tous les quatre ans, privilège qu’ils n’avaient pas reçu lors de leur installation, mais dont on a bien compensé l’efficacité en leur ôtant toute initiative décisive. — Qu’il y ait dans ces deux points beaucoup d’avenir pour le libre développement des institutions, personne à coup sûr n’en doutera. Il est impossible que des députés venus de toutes les parties de la monarchie se rencontrent long-temps sans revêtir aussitôt une mission politique, et, comme ils seront spécialement chargés d’étudier les questions générales, la tribune d’où tombera leur parole, même réduite à donner de simples avis, sera toujours une tribune retentissante.

Il faut donc féliciter la Prusse de ce résultat, qui est un progrès par le fait, sinon par le droit ; il faut même en remercier le prince et croire que, voulant donner quelque chose à ses sujets, malgré les obsessions étrangères ou domestiques, il a du moins réussi à donner cela.

Nous ne pensons pas cependant que l’Allemagne soit assez satisfaite pour croire tout gagné, et pour tout prendre de confiance sans rien examiner. Il y a plus d’un endroit en effet où les concessions octroyées d’une main semblent retirées de l’autre. Ainsi les questions générales dont la discussion ferait l’importance de la grande diète pourront être au besoin renvoyées encore, comme jadis, devant les diètes particulières, et le bruit en disparaîtra. Ainsi les pétitions ne pourront être présentées au roi, sans de nouveaux motifs, après un premier refus, et, comme on ne distingue pas entre l’avenir et le passé, on ne sait si l’on n’exclurait point par là dès aujourd’hui cette immanquable pétition en faveur de la liberté de la presse, tant de fois déjà présentée, tant de fois repoussée. Ce n’est rien encore auprès d’une double réserve qui pourrait, d’un moment à l’autre, annuler tout cet ordre nouveau. La Prusse est un état militaire et prohibitif ; ce sont là ses caractères politiques, ce sont les grands traits qui lui ont marqué sa place ; la guerre et la prohibition, tels ont été jusqu’ici ses deux moyens de fortune et de gouvernement. Le roi les garde tout entiers entre ses mains. En cas de guerre imminente ou commencée, il n’aura pas besoin du consentement des états-généraux pour augmenter les impôts ou les emprunts. En aucun cas et en aucun temps, ce consentement ne sera nécessaire pour la fixation des tarifs de douane, des droits de sortie et d’entrée. Ce point-ci est curieux, surtout par les motifs qui l’expliquent dans la Gazette d’État : ces impôts indirects ne sont pas, y dit-on, de véritables impôts ; ils ne tirent pas l’argent de la poche du contribuable, bien au contraire ; on peut même assurer en cette matière et sans paradoxe que deux et deux font un ; aggravez en effet les droits à l’entrée d’un produit étranger, vous percevrez moins, parce que vous taxerez plus ; on paiera moins, parce qu’on n’achètera point. — Ainsi la diète prussienne n’aura pas dans sa compétence cette immense affaire du