Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/776

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouvelle ouverture de lord Palmerston. Il lui a répondu par une note générale sur le traité d’Utrecht, qu’il déclare entendre comme le ministre anglais ; il lui a envoyé la consultation sollicitée. Nous avons le droit de trouver étrange l’empressement qu’a mis la Prusse à se mêler d’une question qui la touche si peu, et qui pour la France est capitale. En face de nous sur les bords du Rhin, voudrait-elle concourir à nous inquiéter du côté des Pyrénées ? Si le gouvernement prussien puisait ses inspirations à notre égard dans une malveillance sourde, il ne répondrait pas à la véritable pensée de sa nation, qui n’a point d’antipathie pour la France, quand celle-ci, par sa conduite, ne lui inspire pas d’inquiétude. Assurément la Prusse, actuellement, est plus préoccupée de l’avenir qu’ouvre devant elle l’institution d’une diète générale à Berlin que du désir de contrarier la France à Madrid. Au reste, ce qu’a obtenu lord Palmerston du gouvernement prussien n’enchaîne en aucune façon la liberté de ce gouvernement pour les éventualités futures ; il est toujours le maître de ne s’occuper de la question que dans la mesure de ses convenances et de ses véritables intérêts.

Plus encore que les débats relatifs aux affaires étrangères, les discussions sur les questions intérieures ont montré quelle était la force du gouvernement au sein de la chambre. La même majorité qui, dès les premiers momens de la petite session de l’été dernier, s’était déclarée, a reparu aussi compacte, aussi résolue. Toutefois, dans cette majorité, et en raison même de sa puissance, il y a des nuances, des contrastes, des symptômes d’esprit critique, des velléités d’indépendance. M. le marquis de Castellane, qui a l’ambition de représenter la fraction la plus jeune du parti conservateur, a été plus sévère que la commission de l’adresse sur l’administration financière : il s’est plaint que le budget ordinaire fût toujours en réalité dépassé de 25 à 30 millions. Il faut donc rétablir l’équilibre. M. de Castellane avait rédigé un amendement pour exprimer ce vœu. Afin d’éviter toute division au sein de la majorité, la commission de l’adresse a adopté l’amendement. Dans les questions politiques, surtout quand elles sont posées avec clarté, comme l’ont fait M. Duvergier de Hauranne et M. Léon Faucher, la majorité vote aujourd’hui avec un ensemble que ne présentait pas la chambre de 1842. Les débats sur l’intérieur ; ont été clos par une remarquable séance où, du côté de l’opposition, MM. de Maleville et Dufaure, MM. Duchâtel et Dumon du côté du ministère, ont tour à tour occupé la tribune. L’attaque et la riposte ont été brillantes. On a combattu de part et d’autre avec d’autant plus de courtoisie, qu’on avait moins d’incertitude sur l’issue de la lutte.

En effet, comme l’a remarqué, dès le premier jour de la discussion de l’adresse, M. Billault, en présence d’une majorité incontestable, on ne peut plus prêter à aucun membre de l’opposition des projets de concurrence ministérielle. C’est la netteté de cette situation qui parait en partie avoir déterminé M. Biliault à s’isoler avec quelques amis du reste de l’opposition, pour parler et agir avec plus de liberté. D’un autre côté, la politique suivie dans les affaires d’Espagne avait eu l’approbation de M. Billault, et il voulait pouvoir l’exprimer avec une complète indépendance. Pourquoi, sur ce point, n’a-t-il pas été jusqu’au bout de sa pensée ? Les motifs qui ont fait agir M. Billault sont, nous en sommes convaincus, des plus sérieux. Il y a chez lui des instincts de gouvernement que parfois les pétulances de l’opposition ont froissés. « Quand nous nous rencontrerons avec la majorité, nous en serons enchantés, a-t-il dit à la tribune ; mais rien ne pourra