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en Europe ne veut la guerre : les peuples ont des désirs de liberté et d’améliorations intérieures, les gouvernemens ont de graves difficultés qui les attachent nécessairement à la paix.

Qu’il nous soit permis de remarquer que, lorsque la France est pacifique, tout le monde l’est autour d’elle. C’est la France qui a le redoutable privilège d’agiter l’Europe. Aujourd’hui elle est tranquille, elle déclare, par l’organe des chefs de l’opposition et du gouvernement, qu’elle n’entend inquiéter personne, ni par la propagande, ni par la conquête. Seulement elle affirme ses principes, et elle porte haut le drapeau des institutions constitutionnelles. Ce mélange de franchise et de modération peut déplaire à certains gouvernemens, nous n’en disconvenons pas. Ces gouvernemens accepteront l’attitude et le langage de la France, comme on se résigne aux choses nécessaires. Il ne s’est pas formé de coalition de Pilnitz pour étouffer la révolution de juillet, a dit l’honorable M. Thiers ; on peut ajouter qu’il ne s’en formera pas. Il y aura peut-être, de la part de certains cabinets, des symptômes de malveillance, comme la réponse que le cabinet de Berlin vient de faire à de nouvelles instances de lord Palmerston ; mais entre la mauvaise humeur et l’ardeur belliqueuse il y a un abîme. C’est au sujet des affaires d’Espagne que le gouvernement prussien a cru trouver une occasion favorable de se mettre dans les bonnes graces du ministère whig. Quand lord Palmerston eut protesté contre les mariages espagnols, il voulait associer à sa protestation les trois cabinets de Vienne, de Saint-Pétersbourg et de Berlin. À cette époque, nous avons indiqué les nuances que les trois puissances mirent dans leur réponse, qui était un refus. M. de Metternich déclina nettement la proposition de lord Palmerston, et il s’étonna même de la légèreté avec laquelle ce dernier compromettait l’autorité de son propre gouvernement par une protestation qui devait rester stérile. Sans faire les mêmes observations, M. de Nesselrode refusa positivement de s’associer à lord Palmerston. Le cabinet de Berlin eut un langage moins clair : tout en déclarant qu’il ne pouvait protester avec le ministre anglais, il émit certaines théories sur la manière d’entendre le traité d’Utrecht ; il laissa entrevoir qu’il ne serait pas éloigné de l’interpréter comme lord Palmerston. Cependant ce dernier ne se découragea pas ; s’il faut en croire des bruits fort accrédités dans le monde diplomatique, il aurait proposé aux trois puissances un protocole en commun sur la question d’Espagne et sur les éventualités qu’elle pouvait offrir. Dans son ardeur à susciter des difficultés à la France, lord Palmerston ne faisait pas attention qu’il demandait aux trois puissances de démentir tous leurs précédens. Comment les puissances qui n’avaient pas reconnu l’état de choses établi en Espagne depuis la mort de Ferdinand VII pouvaient-elles signer un protocole sur les questions que présenterait l’ordre de succession au trône constitutionnel de la reine Isabelle ? Lord Palmerston essuya donc un autre refus, une nouvelle déconvenue. C’est alors qu’il a imaginé un troisième expédient, que la diplomatie a trouvé singulièrement modeste. Il a demandé aux trois puissances si elles n’avaient pas un avis sur le traité d’Utrecht et sur la façon de l’interpréter. Cette fois il ne leur proposait ni protestation, ni protocole ; il sollicitait une espèce de consultation. À cette troisième demande la cour de Vienne a opposé les mêmes refus, elle continue de s’abstenir ; on ne connaît pas encore la réponse du cabinet de Saint-Pétersbourg, et, seul, le gouvernement prussien s’est empressé d’adhérer à la