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l’Autriche, qui est à peine allemande, et devant la Prusse, cette dernière venue dans le monde. On a si habilement entretenu, au sein des petits gouvernemens d’au-delà du Rhin, les jalousies contre la France, qu’ils ont tacitement consenti à déléguer, pour ainsi dire, tous leurs droits de souveraineté extérieure pour ne conserver qu’une sorte de souveraineté municipale. Le grand corps germanique a disparu sous la pression des cabinets de Vienne et de Berlin sans essayer même de se défendre. Pendant que les électeurs de l’empire échangeaient leur titre contre le titre royal, ils descendaient à une dépendance que le dernier margrave de l’antique Allemagne aurait repoussée avec indignation, et, en évoquant le fantôme de la France, M. le prince de Metternich a gouverné aussi souverainement les pays de Souabe que les états héréditaires d’Autriche.

Cette abdication s’est opérée dans les circonstances même qui semblaient devoir en écarter jusqu’à la pensée ; c’est lorsqu’un antagonisme aussi profond que celui qui avait divisé l’Allemagne au XVIe siècle paraissait devoir séparer les états constitutionnels des gouvernemens absolus qu’on a vu les premiers s’effacer obscurément devant les seconds, et, pour la première fois peut-être dans le monde ; la liberté, au lieu d’élargir et de fixer son lit, est allée se perdre dans les sables sans porter avec elle la vie et la fécondité. N’est-il pas déplorable de voir des gouvernemens qui ont eu l’honneur, après la crise de 1815, de tenir leurs engagemens envers leurs peuples, effacés et comme anéantis par ceux qui les ont méconnus ? Comment s’expliquer que la pratique des institutions constitutionnelles, tout incomplète qu’elle ait pu être, n’ait pas rendu aux états allemands du second ordre le sentiment de leur indépendance extérieure, si compromise, et de leur souveraineté, si ouvertement outragée en tant de circonstances ?

Si la France s’était moins inquiétée des grands gouvernemens et qu’elle se fût plus sérieusement occupée des petits ; si elle avait consacré à agir sur les chambres législatives, sur les universités, sur, la presse et sur les peuples allemands une partie de l’activité stérilement dépensée pour se concilier les cours de Vienne et de Berlin, elle recueillerait déjà peut-être le fruit de ses efforts, au lieu d’aboutir à l’attentat de Cracovie, comme dernière expression du concert européen.

Ce qu’elle n’a pas fait, il faut qu’elle le fasse ; il faut qu’elle devienne au XIXe siècle, en Allemagne, l’appui de la liberté constitutionnelle, comme elle a été au XVIIe l’appui de la liberté religieuse. Qu’au lieu de resserrer les liens de la pentarchie européenne, elle ne s’oppose donc pas au cours naturel des idées qui tend à les relâcher ; que sa propagande d’indépendance s’adresse moins aux peuples qu’aux petits gouvernemens eux-mêmes, qu’elle parle moins aux passions qu’aux intérêts, mais qu’en même temps ses agens ne concentrent pas toute leur action