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servir pour l’extension de leurs affaires et de leurs bénéfices, tout comme des fonds livrés en compte-courant par les particuliers. La banque d’Angleterre et celle des États-Unis, quand elle existait, n’ont jamais manqué d’en profiter. On se souvient que lorsque le général Jackson déclara sa fatale guerre à la banque des États-Unis, et qu’il voulut la frapper d’un coup de tonnerre, il lui enleva les fonds de la trésorerie. En considération de cet avantage, non moins que du privilège de circulation qui leur est conféré, les grandes banques ont été quelquefois astreintes à se charger de quelques services onéreux ou même à compter à l’état une somme. La Banque de France est de toutes les institutions de crédit celle qui a reçu en ce genre les plus grandes faveurs. Le compte-courant du trésor a varié, en 1844, de 86 millions à 140, en 1845, de 90 millions à 150. Cet énorme capital est remis à la Banque gratis, et elle l’utilise fort peu. De là cette anomalie fâcheuse, répréhensible, qu’en 1844, par exemple, à côté d’une réserve métallique qui a été jusqu’à 279 millions, la circulation n’a pas excédé 271[1].

Les gouvernemens cependant ne sont pas toujours en avance envers les banques. Ils ont, eux aussi, leurs momens difficiles, leurs embarras extrêmes, et alors c’est pour eux que les banques emploient la faculté de battre monnaie avec du papier. Aux époques de guerre ou de commotion politique, les états usent et abusent à leur tour de l’assistance des banques, et c’est ainsi qu’entraînées dans l’abîme, la plupart des banques ont succombé. La caisse d’escompte fondée à Paris en 1776, et liquidée en 1793, prêtait sans cesse à l’état au-delà du raisonnable. En 1787, le trésor public étant vide, la banque fut contrainte d’y verser 70 millions de livres. Son capital fut alors porté fictivement à 100 millions. En 1788 et 1789, le prêt fut encore grossi, presque doublé. Le gouvernement de Napoléon eut des procédés à peu près pareils envers la Banque de France. En l’an XII, elle prêta à l’état 176 millions. Lors de la campagne d’Austerlitz, le 20 novembre 1805, elle avait dans son portefeuille 86 millions d’obligations de l’état, et son capital n’était que de 45. En 1806, ce capital fut porté par la volonté de l’empereur à 90 millions ; mais presque aussitôt on se mit à le ramener par décroissement successif à 67,900,000 fr. C’est le chiffre actuel. En 1812, le 10 avril, les avances de la Banque étaient de 94 millions ; dans le courant de 1813, les secours qu’elle fournit successivement au gouvernement s’élevèrent en totalité à 343 millions ; en 1814, à 268. Après les événemens de 1830, la Banque se remit de nouveau à faire d’énormes avances à l’état. Pendant les quarantes années du premier privilège qui lui avait été accordé (de 1803 à 1843), les avances successives de

  1. En 1843, le maximum de la circulation avait été de 248 millions, la moyenne de 230, et il y avait eu jusqu’à 247 millions en espèces. En 1838, la circulation n’a jamais excédé 227 millions, et il y a eu pendant quelque temps 298 millions en espèces.