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que le commerce aille s’adresser à d’autres pour faire escompter ses effets, attendu qu’en escomptant elle-même, elle serait forcée d’émettre un nouveau surcroît de billets ; même en général, pour ne pas avoir trop de demandes d’escompte, elle adopte un taux plus élevé que celui des banquiers de Londres. Nous demandons si une banque telle que la Banque de France, qui est avant tout un établissement d’escompte, peut procéder de même. La Banque de France, lorsqu’elle a quelques inquiétudes sur sa circulation, lorsqu’elle se trouve, comme aujourd’hui, d’ans une pénurie de métaux précieux, doit chercher ses inspirations ailleurs que dans l’exemple de la banque d’Angleterre. Il ne lui est permis de toucher à l’escompte qu’à la dernière extrémité, après que tous les autres moyens auront été épuisés.

L’appui qu’une grande banque, comme celle de Paris ou de Londres, doit trouver auprès de l’état dans ses momens de peine, peut d’ailleurs être conçu de manière à n’être presque jamais onéreux au trésor. Il peut résulter, en effet, des facilités mêmes que la Banque offre à l’état pour quelques services publics et, par exemple, pour la négociation des engagemens temporaires, connus de l’autre côté du détroit sous le nom de bills de l’Échiquier, que j’indiquais tout à l’heure, et appelés chez nous bons du trésor, au moyen desquels les gouvernemens en bon renom auprès des capitalistes se procurent sans cesse des fonds à des conditions très favorables. En Angleterre, c’est par l’intermédiaire de la banque que cette négociation s’opère régulièrement. La banque y trouve un moyen d’exercer une influence décisive dans la plupart des cas sur la circulation. Quand elle juge que la proportion des billets émis est excessive relativement aux espèces qu’elle a en caisse, elle vend une nouvelle quantité de bills de l’Échiquier qu’elle a acquis elle-même du ministre à titre onéreux. Les capitalistes qui, pour leurs fonds disponibles, sont avides de ce placement, apportent en retour à la banque des espèces ou des billets de banque, ce qui rétablit dans la circulation l’équilibre auquel la banque a mission de veiller. Il est fâcheux qu’en France cette bonne entente n’existe pas entre la Banque et le ministre des finances ; tout le monde ne pourrait qu’y gagner. Dans la situation présente, ainsi que nous aurons occasion de le redire tout à l’heure, t’eût été pour la Banque du plus grand secours.

Les gouvernemens font des grandes banques leurs caissières. Ils y trouvent l’avantage d’avoir des agens qui peuvent répondre parfaitement de toute somme qu’on leur confie. Par-là ils peuvent éviter les mésaventures pareilles aux déficits Matéo et Kessner, qu’a subis le trésor français, et aux innombrables defalcations qu’on a signalées dans l’histoire financière des États-Unis. Pour les banques, cette confiance des gouvernemens est très fructueuse, car c’est un capital quelquefois énorme qui est mis ainsi à leur disposition, et dont il ne tient qu’à elles de se