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LA DERNIÈRE GUERRE MARITIME.

brick qui le débarqua le 1er  juillet à Yarmouth. Son premier soin fut d’aller visiter dans les hôpitaux de cette ville les matelots et soldats blessés devant Copenhague. Le soir même, après avoir accompli ce pieux devoir, il partit pour Londres, où l’attendaient sir William et lady Hamilton.


VI.

À son arrivée en Angleterre, Nelson trouva les esprits préoccupés d’un nouveau danger. Délivré par la paix de Lunéville de toute inquiétude du côté du continent, Bonaparte songeait à transporter ses légions sur le sol britannique, et menaçait déjà le cabinet de Saint-James de conduire jusqu’à Londres les soldats qui avaient deux fois conquis l’Italie. Le port de Boulogne devait être le rendez-vous de l’immense flottille qu’il avait donné l’ordre de construire sur tous les points de la Manche. L’invasion de l’Angleterre, au moyen de canonnières et de bateaux plats, était depuis long-temps un des plans favoris du premier consul. Il l’avait suggéré au directoire dès l’année 1797, il le reprenait en 1801, et, trois ans plus tard, il devait lui donner des proportions gigantesques. Au mois de juillet, neuf divisions de canonnières et les troupes qu’elles pouvaient transporter se trouvèrent réunies à Boulogne sous les ordres du contre-amiral Latouche-Tréville. Ce n’était pas sans doute la première fois que ces menaces d’invasion alarmaient l’Angleterre, mais jamais elles n’avaient retenti d’aussi près à ses oreilles. Le ministère Addington crut donc devoir prendre en sérieuse considération l’agitation publique, et l’amirauté s’empressa de déférer au vœu populaire en nommant, le 24 juillet, le vice-amiral Nelson au commandement de l’escadre de défense rassemblée entre Orfordness et Beachy-Head.

Nelson comptait alors au sein de l’amirauté deux amis éprouvés : le comte de Saint-Vincent et sir Thomas Troubridge. Ce dernier, dont nous avons pu admirer déjà l’amitié courageuse, n’était pas seulement un des meilleurs officiers de la marine anglaise, aussi plein de ressources, suivant l’expression de Nelson, que son vieux Culloden était plein d’accidens ; c’était aussi, le comte de Saint-Vincent aimait à le proclamer, un conseiller inappréciable, brave comme son épée, rigide et sans tache comme elle. Il professait une admiration sincère pour le vainqueur d’Aboukir ; mais, profondément affligé de la funeste passion qui dominait son héros, il craignait que ce bras heureux et fort, qui avait deux fois sauvé l’Angleterre, ne s’énervât bientôt dans la mollesse. Aussi Nelson était-il à peine investi du commandement de l’escadre de défense, que déjà le comte de Saint-Vincent et Troubridge le pressaient de partir pour la rade des Dunes, où une frégate était prête à arborer son pavillon.