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comme s’il n’existait pas. Pourquoi la Banque a-t-elle un capital, si ce n’est pas pour s’en servir ? De la part de la banque d’Angleterre, cette distraction du capital s’explique ; l’institution ne fut autorisée à l’origine et confirmée dans la suite que parce qu’elle offrait à l’état l’occasion de se procurer une forte somme. Elle n’était pas libre de ne pas s’y prêter. La Banque de France, au contraire, a acheté des rentes parce qu’elle l’a voulu, et ne les conserve que parce qu’il lui plaît. Si, par aventure, la Banque peut momentanément se passer d’une partie de son capital et qu’elle en achète des rentes, c’est tout simple ; mais de là à avoir et à garder en rentes une somme supérieure même à son capital, il y a fort loin[1]. On comprend que la Banque tienne à avoir en dehors de ses opérations un certain capital qui soit aux yeux du public, une sorte de cautionnement, et par-delà encore un fonds de réserve pour parer à des éventualités, afin de ne pas avoir à entamer le capital à la suite de dépenses imprévues. Ce n’est cependant pas une raison pour détourner de la mission assignée à la Banque la totalité ou la majeure partie de son capital. Il faut surtout qu’au premier signal d’embarras public la Banque soit prête à réaliser ses rentes afin d’en employer le montant à soutenir le commerce.

Privées ainsi, dans leurs opérations, du secours de leur capital par la volonté impérative du gouvernement ou par leur propre choix, les banques, telles que celle de France et celle d’Angleterre, se procurent le moyen de faire des avances par une double voie : en monnayant les engagemens qu’elles escomptent, et en attirant à elles, par la confiance qu’elles inspirent, la plus grande partie possible du capital qui reste stagnant à l’état de numéraire dans les coffres-forts, des particuliers et dans le trésor public.

On a justement qualifié l’escompte en disant que c’était un monnayage des engagemens qui ont été contractés par l’industrie à la suite de transactions réelles. A ces effets de commerce, la Banque substitue un titre qui, dans l’opinion commune, est du numéraire, et qu’on peut en effet venir immédiatement convertir en espèces dans ses bureaux, mais que cependant on garde tel quel, parce qu’on a foi dans la Banque, jusqu’au moment où, pour s’acquitter de sommes moindres que celles qui répondent aux billets de banque, on est forcé de les changer contre des écus. Une banque, du moment qu’elle est investie de la faculté d’émettre des billets au porteur et à vue, fait donc l’office d’hôtel des monnaies. Il n’est peut-être pas superflu ici de faire remarquer combien la monnaie de papier qu’émet la banque diffère du papier-monnaie dont se sont servis des gouvernemens réduits aux dernières

  1. Le capital est de 67,900,000 fr. La Banque possède 2,952,585 fr. de rentes 5 pour 100, y compris 500,000 fr. de rentes composant le fonds dit de réserve. Au cours de 120, le capital correspondant est de 71 millions.