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qu’il y en ait trois. Les banques ne font pas ou font très rarement des avances sur marchandises ; la Banque de France, jamais. Seules entre toutes les marchandises, les matières d’or et d’argent sont admises par les banques comme des gages suffisans pour justifier une avance à un particulier ; on fait la même faveur à certains titres de fonds publics, et surtout aux rentes sur l’état[1]. Ces précautions multipliées sont commandées aux banques par le besoin qu’elles ont d’inspirer une très grande confiance, afin que les billets qu’elles lancent dans la circulation soient admis sans difficulté à l’égal des espèces métalliques. Ainsi un banquier peut et doit être plus facile qu’une banque quand il s’agit d’accorder du crédit à un individu ; mais un des plus grands services que rend une banque comme la Banque de France, le plus signalé de tous, est de régler, par la grandeur de ses opérations, le taux de l’intérêt chez toute une nation, et de le tenir à un niveau de plus en plus bas, ce qui, pour revenir aux belles paroles de Turgot, a pour effet incessant de rendre à la culture des plages immenses, dans les régions indéfinies qu’offre l’industrie aux facultés humaines.

C’est cette baisse du taux de l’intérêt qui fait l’excellence des banques. C’est là que réside leur grande vertu politique et sociale, la puissance d’affranchissement qu’elles exercent envers les hommes voués au travail. Dans les sociétés antiques, l’industrie est esclave. Tous les produits qu’elle crée sont pour le patricien qui la tient dans sa geôle. Le producteur n’a pour lui que tout juste la misérable pitance qui doit l’empêcher de mourir de faim. De nos jours, à la faveur du crédit, le producteur dispose du capital d’autrui comme s’il était sien, et il en recueille les fruits, sous la seule réserve de servir un intérêt qui est de plus en plus modique, à mesure que les capitaux se multiplient dans la société et que les banques remplissent leur destination suprême, la réduction du taux de l’intérêt.

Comment les banques parviennent-elles à remplir leur rôle d’institutions de crédit ? comment s’en procurent-elles les moyens ? Ces moyens une fois obtenus, comment en tirent-elles le plus grand effet ?

Une banque d’abord a un capital à elle, versé par les actionnaires. Cependant ce capital ne sert pas aux opérations de la banque, du moins chez les grandes institutions européennes. Le capital de la banque d’Angleterre, qui est actuellement de 280 millions, a été tout entier remis à l’état. Le capital de la Banque de France a été successivement placé en.rentes, et il est resté sous cette forme. Il est ainsi, pour le commerce,

  1. Indépendamment des rentes 5, 4 et demi, 4 et 3 pour 100, la Banque de France fait des avances sur les actions des canaux, mais ces titres représentent un emprunt de l’état ; sur les obligations de la ville de Paris ; sur les traites de coupes de bois de l’état qui sont considérées comme un titre commercial excellent ; sur les bons de la Monnaie, qui équivalent à des matières d’or et d’argent.