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ordre, si l’esprit de prudence dont notre commerce est animé ne nous garantissait déjà. De la part des capitalistes, rien de semblable aux spéculations désordonnées des Anglais en 1825 sur les mines du Mexique et du Pérou, ou en 1835 sur les emprunts des états et des compagnies de l’Amérique du Nord, ou encore à celle qui, il y a vingt ans, fit construire tant de maisons et crouler tant de fortunes à Paris. Ainsi les effets de commerce dont se compose le portefeuille de la Banque, et qu’elle a choisis d’ailleurs avec un rare discernement, sont bons ; ceux qu’on lui apporte chaque jour, représentant des transactions non moins sérieuses, non moins raisonnables, ne cessent pas de l’être. Du côté des commerçans, des manufacturiers, des capitalistes, la Banque n’a donc aucun sujet d’inquiétude. Y aurait-il quelque catastrophe à craindre du côté des chemins de fer ? Non. Il n’y a pas de crise des chemins de fer dans ce qui se passe, je crois l’avoir démontré[1], et ce qui le prouve bien, c’est que les actions sont très peu offertes à la Bourse. Si elles ont baissé, ce n’est pas qu’elles soient avilies, j’est à peu près uniquement parce qu’auparavant elles étaient cotées trop haut ; l’agiotage les avait portées au-delà de leur niveau naturel. Il y a rareté de titres sur le marché, la Banque le sait fort bien, et cette rareté subsiste non-seulement pour les actions de chemins de fer, mais pour nos fonds publics, puisque les spéculateurs, ne pouvant livrer ce qu’ils en ont vendu, sont contraints de payer pour qu’on leur en prête. De là ces taux de report qui sont presque sans exemple, mais qui attestent que le capital ne manque pas. De perturbation dans les finances de l’état, il n’y en a pas davantage. On ne parle point d’un nouvel emprunt ; la dette flottante, au lieu de s’accroître, diminue, et, à peu près au moment où la Banque a pris le parti d’élever le taux de l’escompte, le ministre des finances, à qui on demandait des bons du trésor à six mois sur le pied de 3 pour 100 l’an, n’en voulait donner qu’à 2 et demi qu’on acceptait : ce n’est point d’un gouvernement gêné ni d’un pays travaillé par une crise. Ce qui caractérisait notre situation à cet instant, ce qui la distingue aujourd’hui comme alors, c’est dans le pays, à la suite d’une mauvaise récolte, une cherté momentanée de la vie qui rend pénible la condition des masses laborieuses, et, à l’égard de la Banque, une raréfaction du signe représentatif métallique due à ce qu’une certaine quantité d’écus a été prise dans les caves de la Banque pour aller au dehors payer une partie de l’importation extraordinaire des grains qui nous est nécessaire, ou pour se répandre dans le pays afin d’activer les travaux que le gouvernement a cru avec raison devoir organiser sur une plus grande échelle, afin d’offrir un gagne-pain aux populations nécessiteuses.

  1. voyez la livraison du 1er février.