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dans le maniement du harpon. Ainsi, ces îles du détroit, qui semblaient vouées à une stérilité éternelle, deviendront un jour une pépinière de matelots pour tous les établissemens anglais dans l’est et le midi de la Nouvelle-Hollande.


IV.

Depuis six ans, une nouvelle ère s’est ouverte devant les colonies australes. Pendant long-temps ces colonies avaient été exclusivement habitées par des convicts ; puis, durant une seconde période, des émigrations de colons libres étaient venues y déposer un germe plus fécond. Une mesure législative a décidé qu’à partir de 1840 l’Australie ne serait plus une colonie pénale, et que, dès l’année suivante, les condamnés cesseraient d’être employés dans les travaux particuliers. Ainsi, la colonisation, d’abord exclusivement pénitentiaire, puis mixte, perd les dernières traces de son caractère primitif pour devenir politique et commerciale. Les deux premières phases de l’occupation britannique appartiennent à l’histoire ; elles ont eu pour résultat général l’installation définitive de la race européenne dans ces parages après l’extermination ou le refoulement de la race indigène par des moyens qui méritent une flétrissure éternelle. Si le nouveau régime, à peine sorti d’une ère de transition, n’a pas encore produit tous ses fruits, nous pouvons déjà en juger les premiers effets et interroger l’avenir sur les transformations probables qu’il peut amener.

C’était une mesure grave de la part de l’Angleterre que de venir subitement troubler les habitudes prises et bouleverser l’ordre économique ; mais, dans leurs colonies comme chez eux, autant nos voisins répugnent aux réformes prématurées, autant ils montrent de décision dans l’accomplissement de celles qu’ils croient opportunes et nécessaires. Ils ne renouvelleraient pas aujourd’hui, j’imagine, leur résistance insensée aux justes prétentions de l’Amérique ; ils sauraient s’arrêter à temps et retarder au moins de quelques années par une politique plus conciliante une inévitable émancipation. Leur conduite actuelle envers l’Irlande, leurs réformes religieuses, politiques, économiques, coloniales, témoignent de cet esprit clairvoyant qui comprend à merveille les exigences variables de l’intérêt. On se serait moins émerveillé des grandes et audacieuses expériences tentées depuis 1829, si, au moment où elles s’opéraient, on avait eu présens à la mémoire tous les efforts, toutes les motions, toute la polémique, toutes les mesures qui les avaient long-temps préparées. Ce qui doit nous étonner davantage, c’est le mélange de patience et d’activité que ces difficiles évolutions ont exigé, et qui caractérise si éminemment le génie anglais. Ainsi, dans la Nouvelle-Hollande, l’Angleterre se résigna aux funestes effets du convict-system tant qu’elle le crut utile à ses vues ; elle savait que ces établissemens