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la France ait laissée de son passage[1]. A l’est, près de Botany-Bay, une colonne a été élevée, en 1825, à la mémoire de La Peyrouse. C’est de là que ce célèbre navigateur transmit de ses nouvelles pour la dernière fois, en 1788, avant d’aller trouver à l’île de Mannicolo le naufrage et la mort. Au pied de cette colonne, une pierre modeste marque le tombeau d’un prêtre catholique français, nommé Le Receveur, qui accompagnait La Peyrouse en qualité de naturaliste, et qui mourut loin de sa patrie avant de gagner la renommée qu’il aurai pu devoir à la science.

L’Angleterre n’a point de titres sérieux à alléguer pour empêcher un autre peuple de s’établir dans les immenses solitudes qui séparent ses établissemens de l’Australie. Elle n’hésite pas, cependant, à regarder tout le continent comme sa propriété. La même nation qu’effarouchent le protectorat français à Taïti et les efforts si légitimes de la Hollande dans l’archipel indien, s’attribue un droit de souveraineté exclusive sur une contrée presque aussi étendue que l’Europe. On verra si elle peut appeler du moins au service de ses prétentions l’intérêt de la civilisation européenne. On verra si, au lieu de propager cette civilisation, elle n’en a pas fait trop souvent un objet d’épouvante pour les populations barbares qui, ici comme dans le reste de l’Océanie, tremblent devant sa puissance.

Pendant les premières années qui suivirent l’occupation de l’Australie, les progrès de l’Angleterre avaient été lents et circonscrits. Sans parler du détestable régime intérieur de la colonie qui aurait suffi pour paralyser son essor[2], les guerres de la révolution et de l’empire appelaient ailleurs les forces britanniques. Ce n’est qu’après la paix générale que les Anglais s’étendent d’abord dans toute la Nouvelle-Galles du sud, depuis Moreton-Bay jusqu’au cap Howe, sur une côte d’environ 1,100 kilomètres de long, pour envahir ensuite des rivages plus éloignés de leur établissement primitif. On voit peu à peu des colons libres venir exploiter le travail des convicts sortis des prisons de Londres. Il y avait là en effet un appât certain pour la race anglaise, si prompte à émigrer de son île brumeuse et à s’en aller chercher fortune dans des régions lointaines.

En 1825, le major Lockyer arrive de Sydney au port d’Albany, qui venait d’être abandonné par les Français. On a construit sur ce point un môle et des docks qui améliorent encore cette excellente position maritime. Cinq ans plus tard, l’Angleterre fonde, un peu plus à l’ouest qu’Albany et au nord du cap Leuwin, l’établissement de la rivière des

  1. Ces noms se retrouvent principalement à l’ouest de l’île, à partir du cap Cuvier, de l’île Delambre et de la baie Carnot, jusqu’aux caps Voltaire et Bougainville.
  2. Les effets de ce régime ont été indiqués dans un remarquable travail de M. Léon Faucher sur les Colonies pénales de l’Angleterre ; voyez la Revue des Deux Mondes du 1er février 1843.