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des puissances coloniales. Seule, la Grande- Bretagne pouvait prendre à son gré une féconde initiative ; seule, elle avait assez de ressources, elle était assez sûre de ses institutions pour songer à s’agrandir. Aussi, quand les marchés européens commencèrent à se fermer devant ses produits, quand son propre développement industriel vint la contraindre à chercher de nouveaux débouchés ou servir de prétexte à ses envahissemens, il lui fut aisé de tirer parti des avantages de cette situation exceptionnelle : Poursuivant l’accomplissement de ses desseins avec cette suite dans les idées, cette persévérance dans les résolutions, qui sont les meilleurs garans du succès, on la vit successivement doubler l’étendue de son domaine indien, s’ouvrir la Chine et déborder jusqu’aux extrémités de l’Océanie.

Ce n’est pas seulement au point de vue des intérêts commerciaux qu’il faut se placer pour juger sainement la politique coloniale de l’Angleterre. Sans doute, l’objet que recherchent nos voisins dans la vaste arène où ils se sont lancés est le même partout ; tels ils étaient sur les bords du Mississipi, tels nous les voyons aux rives du Gange ou du Murray. Satisfaire aux exigences de leur industrie et de leur commerce, découvrir de nouvelles sources de richesses, voilà leur but principal. Toutefois leur action, envisagée sous d’autres aspects, prend à leur insu même un plus noble caractère. En même temps que l’Angleterre, envahissant des contrées inconnues, étend ses relations commerciales, elle accroît aussi la sphère des idées européennes et du génie chrétien. Si d’ailleurs les Anglais n’obéissent qu’à un seul mobile, les moyens qu’ils emploient varient selon les lieux et les circonstances. Il y a un vif intérêt, il y a aussi quelque profit pour nous à suivre ces transformations, à étudier ces procédés divers. Dans l’Inde, l’Angleterre a eu recours à la ruse et à la force, divisant d’abord les princes indigènes, les attaquant ensuite un à un, jurant avec eux des alliances aussitôt violées, pour aboutir en définitive à une exploitation aussi savante qu’insatiable, à un despotisme militaire. En Chine, elle s’est présentée à la suite de marchands cupides, voulant placer à tout prix un produit suspect. La voilà qui vient de se glisser à Bornéo derrière un aventurier dont les projets ambitieux s’étaient cachés d’abord sous des démonstrations purement commerciales. Dans les autres archipels de la Polynésie comme aux îles de la Société, c’est l’étendard des missionnaires méthodistes qui se déploie devant les navires britanniques.

Parmi ces applications si variées d’une politique qui se montre partout également habile, la moins singulière, la moins imposante n’est pas la colonie fondée sur les rivages de l’Australie. L’essai d’un régime pénitentiaire a été l’embryon de ce nouvel empire. Aujourd’hui cet immense domaine, qui s’est ajouté à tant d’autres, attire de plus en plus l’attention du gouvernement anglais. Dans la région du sud-est,