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sur le seuil. La foule s’ouvrit devant lui, et le combat cessa. S’étant approché de Catalina, l’évêque lui ordonna de rendre son épée. — Monseigneur, répliqua l’alferez, j’ai trop d’ennemis. — Rendez vos armes, continua le prélat, et sur mon honneur je réponds de vous. L’alferez aussitôt jeta son épée, et les alguazils se préparèrent à le garrotter. Ils s’arrêtèrent sur un signe de l’évêque, qui, prenant le bras de don José, le conduisit à son palais. L’évêque de Cuzco, oncle de Calderon, si l’on sen souvient, avait été mis en trois mots au fait de cette triste aventure par le domestique de son neveu, qui avait quitté le lieu du combat pour chercher ce puissant auxiliaire. Lorsque le prélat se trouva seul avec l’alferez, il le pria de lui conter les choses plus en détail, de lui dire qui il était, d’où il venait, ce qu’il faisait. La situation était grave, ajouta-t-il, Chavarria étant mort et Chavarria étant un alcade fort considéré. L’assassinat de Calderon, l’enlèvement de doña Maria, compliquaient singulièrement la situation. Cette affaire n’était pas de celles que l’on pouvait étouffer ; toute la ville la connaissait déjà. Il avait bien pu suspendre un instant l’action de la justice, mais non pas arrêter son cours. Son cœur saignait à penser que don José allait se trouver si gravement compromis par dévouement pour le malheureux Calderon, et cependant il ne voyait d’autre moyen de sortir de ce mauvais pas que de produire les bons antécédens de l’alferez, s’ils étaient bons, d’alléguer ses services, s’il avait rendu des services, et de chercher à faire oublier le crime par la générosité de l’intention.

Dès le début du combat, Catalina, on le sait, avait été blessée. C’était à la poitrine que le coup avait porté, et cette blessure la faisait horriblement souffrir. Elle sentait, tandis que l’évêque lui parlait, que le secours d’un chirurgien lui serait indispensable. Mise en demeure de s’expliquer sur ses antécédens, et redoutant les nouvelles qui pouvaient arriver de Tucumau, songeant que les soins nécessités par sa blessure pouvaient trahir un nouveau mensonge, affaiblie d’ailleurs, lasse peut-être de sa vie errante, n’ayant plus le courage de son rôle, Catalina résolut d’avouer à l’évêque toute la vérité. Se soulevant avec effort, elle se mit à genoux, et, joignant les mains :

— Monseigneur, lui dit-elle, je ne suis pas ce que vous croyez : je suis une femme !

La voix de Catalina s’était adoucie, son regard baissé avait changé tout à coup d’expression, une vive rougeur couvrait ses joues pâlies. Presque aussitôt ses forces l’abandonnèrent, et elle tomba sans connaissance sur le plancher. On devine quelle fut la stupéfaction du pauvre évêque. Il appela au secours ; ses chapelains accoururent. Transportée sur un lit, Catalina fut pansée par le plus habile barbier du voisinage. L’évêque, qui, sans être convaincu, ne savait trop que penser, avait donné ses instructions au barbier et avait exigé qu’on le laissât