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nos compatriotes. C’est à M. Morel, ingénieur civil, qu’appartient l’honneur d’avoir le premier en France présenté le coton-poudre aux sociétés savantes. Huit jours seulement après la première annonce de cette découverte, le 12 octobre 1846, il déposait à l’Académie des sciences un paquet cacheté renfermant le mode de préparation dont il avait fait usage. Cependant des recettes sur la préparation du coton-poudre étaient publiées en Allemagne par MM. Otto, de Brunswick, par le docteur Knopp, préparateur au laboratoire de l’université de Leipzig, et par le docteur Bley, à Bernburg ; elles furent livrées à, la connaissance des chimistes français le 26 octobre par l’organe de M. Dumas, et dans la même séance, MM. Pelouze, Piobert et Morin donnaient les résultats de leurs recherches, le premier en rappelant le papier inflammable qu’il avait préparé huit ans auparavant, les seconds en exposant les essais tentés par eux, malgré le vague des renseignemens obtenus jusqu’alors. Dès les premières communications de M. Schoenbein, M. Pelouze avait, à la vérité, appelé l’attention sur des résultats antérieurs qui paraissent se rapprocher de ceux qu’avait obtenus le chimiste allemand. C’est en raisonnant dans l’hypothèse que la poudre-coton n’était autre chose qu’une substance découverte en 1833 par M. Braconnot, de Nancy, que le savant académicien a cherché la préparation du coton-poudre. En conséquence, il a imprégné d’acide nitrique (qu’on appelle vulgairement eau forte) diverses substances végétales : le papier, le coton et le chanvre. Dès-lors, la xyloïdine (c’est le nom donné à la substance du chimiste de Nancy) fut regardée comme la substance explosive par excellence, en raison surtout de l’excessive combustibilité dont elle est douée. M. Pelouze avait déjà constaté que les substances végétales, après avoir été soumises à l’action de l’acide nitrique, prenaient feu à une température qui n’est pas très élevée (à la température de 180 degrés), brûlaient presque sans résidu et avec une grande énergie ; mais il n’avait point songé, comme M. Schoenbein, à les substituer dans les armes à la poudre à canon. Bientôt une nouvelle analyse le conduisit à penser que le coton-poudre n’était pas identique avec la xyloïdine de M. Braconnot. L’étude attentive et comparée de ces substances a prouvé en effet qu’elles ont des propriétés différentes. Aussi les chimistes n’ont-ils pas tardé à désigner par un nom nouveau (celui de pyroxiline) le nouveau composé explosif’ dont nous parlons.

Le mode de préparation du coton-poudre est très simple ; on peut se le procurer de différentes manières. Suivant M. Otto, il suffit de laisser baigner pendant quelques minutes une substance végétale dans l’eau-forte concentrée. Après l’avoir retirée, on la lave immédiatement à grande eau et l’on fait dessécher le produit. Il vaut mieux cependant employer un mélange de deux acides (nitrique et sulfurique) qui sont très communs, et dont on fait un continuel usage dans divers arts. Le produit est d’autant meilleur, que les deux liquides employés sont plus purs ; aussi n’est-il pas indifférent qu’ils soient préalablement dépouillés d’un corps qui affaiblit la puissance de la nouvelle poudre (les chimistes le désignent sous le nom d’acide hypoazotique), et qui se trouve souvent mêlé aux deux premiers. Pour préparer le papier-poudre, on emploie de préférence ce papier assez grand et un peu épais qu’on appelle papier ministre. On doit plonger les feuilles une à une et successivement, pour qu’elles ne se collent point ensemble. Un bain de quelques minutes suffit. Les trois opérations principales qu’il faut effectuer pour avoir une bonne substance explosive sont : l’immersion dans l’acide, le lavage et la dessiccation. Supposons que l’on ait des appareils