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par la France avec une précipitation qui eût pu choquer le gouvernement anglais, n’a été accordée par elle que sur les instances vives, réitérées, et dans l’intérêt formel de l’Espagne ?

C’est donc la volonté de l’Espagne qui a prévalu, comme cela était naturel, dans la question des mariages espagnols, et en même temps la combinaison désirée par la France, et qui était la plus conforme à ses intérêts, a triomphé. Pour la première fois depuis 1830, la France a seule, et par sa propre influence, résolu au dehors une grande question. Ce résultat est assez considérable pour mériter l’approbation de tous ceux qui ont à cœur l’affermissement de notre autorité morale en Europe. Tel est le sentiment qu’a hautement manifesté la chambre des pairs, soit dans le sein de la commission de l’adresse, soit dans les débats de la tribune. Les hommes politiques les plus éminens, appartenant aux nuances diverses de l’assemblée, se sont réunis dans la commune pensée d’apporter en une semblable occasion leur concours au gouvernement. C’est ce qu’a fait avec autant de noblesse que de franchise M. le comte Molé, qui présidait la commission : deux autres ministres du 15 avril, M. Barthe, qui était rapporteur, et M. le comte de Montalivet, ont donné la même adhésion à la politique suivie dans les affaires d’Espagne. Aussi M. le ministre des affaires étrangères a pu se féliciter justement d’avoir l’appui non-seulement de ses amis, mais d’hommes qu’il s’honorerait d’appeler ses amis, et qu’il était heureux de ne pas rencontrer comme adversaires en cette circonstance. M. le duc de Noailles, qui avait sa part dans cette courtoise allusion, s’est montré plein de sens et de loyauté en approuvant une politique où il retrouvait les traditions et la pensée constante de la maison de Bourbon. Il n’a pas caché ses préférences pour le fils de don Carlos ; il eût mieux aimé que la reine Isabelle eût donné sa main au comte de Montemolin. Toutefois, en présence d’un résultat qui maintient la couronne d’Espagne dans la lignée de Philippe V, il n’a pas hésité à louer une solution conforme aux principes séculaires de la politique française. Exemple utile et rare à opposer aux injustices de l’esprit de parti.

On a beaucoup parlé, trop parlé du traité d’Utrecht depuis cinq mois, et personne, il faut l’espérer, ne sera tenté d’y revenir après le discours de M. le duc de Broglie, qui a épuisé la démonstration. Le véritable esprit du traité, le but qu’il a atteint, le sens légitime des renonciations qui l’accompagnent, les conséquences raisonnables de ces renonciations, celles qu’il serait absurde d’en vouloir tirer, tout cela a été établi par M. de Broglie avec cette supériorité qu’il porte d’ordinaire dans les grandes questions internationales. En lui succédant à la tribune, M. le ministre des affaires étrangères a considéré cette question comme tout-à-fait vidée, et il a porté sur d’autres points la puissance de sa parole. Comme il l’a dit, il n’avait à combattre personne ; il avait à exposer au pays, à l’Europe, à l’Angleterre, cette grande question qui remonte à 1842. Cette vaste exposition a prouvé que, depuis cinq ans, le gouvernement français avait persévéré dans la même idée, dans les mêmes principes, et que la conclusion de l’affaire d’Espagne était conforme aux prémisses posées : en un mot, nous avons fait ce que nous avons annoncé, mais nous n’avons fait que ce que nous avons dit. N’est-ce rien que de pouvoir, dans une négociation épineuse, s’honorer de cette persévérance et d’une semblable modération ? Aussi, quand le dénoûment a été connu, les trois puissances qui étaient restées étrangères aux affaires d’Es-