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Afrique combiné avec la régénération morale des indigènes. Le but est noble et digne de toutes les sympathies. M. Landmann, qui ne cherche que le bien, peut déjà se féliciter d’en avoir fait beaucoup en propageant, avec l’autorité que lui donne un long séjour en Algérie, les idées et les sentimens favorables au principe de l’association, en proposant des combinaisons fort ingénieuses pour constituer une force militaire au sein d’une communauté civile[1]. Nous doutons cependant qu’il parvienne à la pleine réalisation de sa pensée. Il a ruiné son projet par la peine qu’il a prise pour lui enlever jusqu’à l’apparence d’une spéculation. Dans sa sainte horreur contre l’agiotage, il a rétréci les bases commerciales de l’entreprise, à tel point qu’il devient douteux qu’elle puisse se soutenir. M. l’abbé Landmann fut d’abord l’un des auxiliaires du prince de Mir, qui avait obtenu du gouvernement français la concession de la Ressauta, riche domaine à proximité d’Alger. Le prince polonais, qui s’attribuait la mission providentielle de civiliser les Arabes, laissait planer sa pensée au-dessus des menus détails d’une exploitation agricole : le spectacle de sa ruine fut un malheur pour la colonie. Une conviction profonde soutint le courage de M. l’abbé Landmann : avant de refondre le plan primitif, il voulut étudier le pays et prendre conseil des faits. Ses vues, publiées dans trois mémoires successifs[2], composent, pour ainsi dire, un triple appel à la nation, au roi, aux chambres. Dans sa première conception, l’auteur demandait qu’on établît sur le revers septentrional du petit Atlas de grandes fermes fortifiées, distribuées de manière à réunir cent familles, c’est-à-dire quatre à cinq cents têtes au début. Chaque famille aurait accepté le lien d’une discipline commune et fourni un homme d’armes soumis à des exercices et à un service défensif. Le terrain, d’une contenance de 2,500 hectares, les bâtimens, les bestiaux, le matériel, déclarés propriétés de la ferme, seraient devenus biens de main-morte, comme ceux des communautés religieuses. On eût travaillé en commun. Chaque année, après avoir prélevé sur le produit les sommes nécessaires aux besoins des travailleurs et à l’entretien de l’exploitation, après déduction faite sur le surplus de 10 pour 100 pour la part de l’état, on eût déclaré l’excédant bénéfice net de la ferme : à ce titre, on en eût fait deux parts égales, l’une pour être distribuée aux ouvriers en proportion de leur travail annuel, l’autre affectée à l’intérêt et à l’amortissement du capital de fondation. Les colons devaient s’engager pour trois ans : une existence laborieuse, mais à l’abri de tous les besoins,

  1. Cette partie du travail est attribuée à M. Buchez.
  2. Les Fermes du petit Atlas, ou colonisation agricole, religieuse et militaire du nord de l’Afrique, 1841. — Mémoire au Roi sur la colonisation de l’Algérie, 1845. — Exposé sur la colonisation, adressé à MM. les pairs de France, etc., 1846.