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déduction faite des recouvremens, s’est élevée à 323,626,312 francs. La tactique suivie depuis 1840 a porté le chiffre annuel à plus de 100 millions : en joignant au budget et aux crédits spéciaux les frais accessoires pour les mouvemens de troupes et les transports maritimes occasionnés par la guerre d’Afrique, M. Desjobert a porté le chiffre de l’année dernière à 125,762.993 francs : c’est donc, en nombre rond, un milliard au moins que l’Afrique a englouti jusqu’à ce jour. Eh bien ! cette somme énorme n’a servi, pour ainsi dire, qu’aux préliminaires de l’installation : on a assuré la conquête et entrepris le déblaiement du sol ; mais l’œuvre sérieuse et reproductive, la colonisation proprement dite, est à peine commencée ; on n’en est encore qu’au ballottage des systèmes, et personne, à l’heure qu’il est, n’entrevoit clairement quelle sera l’étendue des avances à faire et quels dédommagemens on en doit espérer. La. France, encore une fois, ne peut pas éterniser le sacrifice sous lequel elle succombe. Des subventions additionnelles vont être demandées pour déterminer le peuplement et la culture du sol. Si on les accorde, ce ne peut être qu’à titre de prêt. L’Algérie doit exister par elle-même ; toute organisation qui laisserait les dépenses coloniales au compte de la métropole aboutirait fatalement à un échec.

Les besoins de la colonie étant constatés, on se demande quelles sont les chances de développer les ressources en proportion des charges. Un impôt prélevé sur les indigènes, à la manière des Anglais dans l’Inde, ne dépassera jamais 4 à 5 millions Un système basé sur les profits du commerce aurait peu de chances en présence d’une population clairsemée, sans industrie et sans moyens d’échange. La colonisation doit donc être agricole, et le programme à remplir pourrait être formulé ainsi : peupler l’Afrique française au moyen des bénéfices obtenus par la culture et l’exploitation des richesses intérieures de la terre.

On nous dira que, le produit de la terre étant la seule fortune de l’Algérie, il n’est pas possible que les bénéfices de l’agriculture paient ces frais de colonisation que l’on déclare devoir être considérables ; que les tentatives agricoles faites jusqu’à ce jour ne donnent pas lieu d’espérer un semblable résultat. En réponse à ces objections, nous rappellerons un axiome simple comme toutes les lois agronomiques, axiome sur lequel on nous permettra d’insister en raison de son importance.

Une culture maigre et insuffisante ne donne que de maigres produits, qui souvent ne paient pas leurs frais, si minimes que soient ces frais. Une exploitation riche et bien dirigée paie non-seulement les frais, si considérables qu’ils soient, mais donne des bénéfices nets ; il y a plus, le bénéfice semble augmenter en proportion de la somme des efforts producteurs (capital et travail), non pas dans une proportion relative aux avances, mais dans une relation progressive. Il est utile d’expliquer ce phénomène par un exemple. Deux propriétaires, l’un riche et l’autre