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toutes les règles ordinaires, et qui en toutes choses se croyait dans la nécessité d’exercer une suprême dictature, se montra ultra-réglementaire à l’égard des subsistances et surtout du pain. La loi du maximum concernait particulièrement cet objet. On sait que tous ces moyens de contrainte pour amener le bas prix du pain engendrèrent une affreuse famine. Avec le gouvernement de Napoléon, des idées plus régulières se firent jour. L’importation des blés était déjà libre, l’exportation fut permise sous condition. Il fallait que l’hectolitre fût coté à 20 francs au plus dans le midi, à 16 dans le nord, et il y avait un droit de sortie de 2 francs ; mais l’empereur voulut que l’autorité intervînt dans le commerce des grains, au moins pour la capitale : de là son projet des greniers d’abondance. Cependant en 1811, après un été qui, semblable à celui de 1846, avait été très favorable aux vendanges, mais fatal à la récolte des grains, le prix du pain se mit à monter. L’empereur se fit commerçant en grains et entreprit d’effectuer la majeure partie de l’approvisionnement de Paris. Il y contribua en effet pour près de 400 mille sacs[1] ; mais il y dépensa plus de 12 millions de l’argent du trésor, il ruina les boulangers auxquels il imposait un prix de vente trop faible, et, par des achats mal conçus, mal coordonnés, mal exécutés, il fit monter les grains au-delà du point où naturellement ils se seraient arrêtés. Une fois sorti des voies de la liberté des transactions, il lui fallut aller de violence en violence et agrandir le cercle de ses mesures despotiques jusqu’à ce qu’il y eût embrassé l’empire tout entier, après avoir commencé par le seul département de la Seine. Il en vint jusqu’à décréter, à l’instar de la convention, le maximum. En mai 1812, un décret impérial fut promulgué, qui commençait par ces belles paroles : La libre circulation des grains et farines sera protégée dans tous les départemens de notre empire, et finissait par établir pour le blé le maximum de 33 francs l’hectolitre. La disette devait être et fut la conséquence de cette atteinte flagrante à la liberté. Il y eut des départemens où les populations furent réduites à manger de l’herbe[2].

Après l’empire, une nouvelle époque de cherté se déclare en 1817. L’état, pour y porter remède, oubliant l’insuccès de la tentative de 1811, recommence à se faire marchand de grains. On espérait probablement que ce qui n’avait eu que de tristes effets entre les mains d’un usurpateur donnerait de meilleurs fruits dans celles d’un gouvernement légitime. On acheta donc des grains à tort et à travers, au dedans et au dehors ; on mit la perturbation dans les marchés intérieurs, on alarma tout le monde, on donna l’impulsion à la hausse qu’on voulait

  1. On sait que le sac légal de farine pèse 159 kilogrammes.
  2. Voir sur cette disette de 1811-12 une notice de M. Vincens, conseiller d’état, ancien directeur du commerce intérieur, qui a été inséré dans le Journal des Économistes de 1843.