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en est une, et la plus apparente. C’est une importation extraordinaire qui vient déranger subitement la balance accoutumée du commerce. Si les échanges étaient moins difficiles entre les peuples, le retour se serait fait, partiellement au moins, autrement qu’avec des écus. Nous paierions le blé des Russes, des Siciliens, des Prussiens et des Américains du nord, en leur envoyant un supplément des produits de notre industrie, aussi bien que des espèces ; mais les peuples, à l’envi l’un de l’autre, se sont entourés de murailles de la Chine : l’or et l’argent sont les seules valeurs dont on puisse se servir pour solder un compte extraordinaire. Nous aurons peut-être de ce chef 150 millions à expédier au dehors. En pareil cas, on puise les écus dans les réservoirs où l’on sait qu’ils sont accumulés, dans les caves des banques. Un jour viendra certainement où l’on emploiera le procédé qui réussissait si bien à l’Angleterre, pendant les guerres de l’empire, pour subventionner les princes qu’elle armait. Elle leur envoyait les produits de ses manufactures, auxquels on ouvrait les portes à deux battans, et ainsi les subsides étaient des excitans pour l’industrie britannique ; mais, pour que cet expédient devienne d’usage en cas de disette, il faudra que le principe de la liberté du commerce ait fait son chemin.

Cette cause n’est pourtant pas la seule qui nous ait enlevé du numéraire. Les titres que les étrangers ont négociés chez nous ont dû en faire sortir. Enfin les grands travaux qui s’exécutent de toutes parts dans le royaume pour le compte de l’état ou par les soins des compagnies, et qui ont été activés dans ces derniers mois, ont dû faire expédier des espèces de la capitale dans les provinces.

Considérons donc comme établi que, tant pour les subsistances qu’à l’égard de la Banque, nous ne courons pas de danger sérieux. Si la situation devenait menaçante, c’est que les fautes des hommes l’auraient aggravée, et d’un accident auraient fait une calamité. De là, on est forcé de conclure que, si notre loi des céréales ne résiste pas à la secousse, et si notre grande institution de crédit en est ébranlée, c’est que ni l’une ni l’autre ne satisfont aux conditions de la stabilité, et qu’il faut les remettre sur le métier ; sinon, nos hommes pratiques auront mérité qu’on les accuse de ne rien comprendre aux leçons de l’expérience.


II. – QUESTION DES SUBSISTANCES.

Examinons maintenant avec plus de détail la législation des céréales ; cherchons à déterminer le but vers lequel elle gravite chez les nations les plus éclairées de l’Europe, depuis que les actes d’administration y sont soumis à des idées rationnelles. Mesurons le chemin que nous avons fait vers cette destination et la distance qui nous en sépare encore.