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de 1846 a eu le mérite d’affranchir les opérations électorales de complications inextricables ; elle est un véritable progrès non-seulement sur la loi de 1812, qui établissait l’élection à quatre degrés, mais sur le dernier état de la législation électorale, d’après lequel il fallait réunir quinze ou vingt mille électeurs, même pour nommer un seul député. Puis il n’y avait aucune égalité dans l’exercice du droit électoral : un électeur de l’Alava, par exemple, ne nommait qu’un député, tandis qu’un électeur des Asturies en nommait quatorze. La loi de 1846 a remédié à ces vices ; elle a créé un régime meilleur et plus équitable. Il est vrai que l’application de cette loi vient de donner lieu en ce moment même à des plaintes très vives à l’occasion de la vérification des pouvoirs ; mais il faut remarquer le caractère de ces plaintes : elles sont vagues, indéterminées, générales ; elles n’accusent pas la loi, ni même le gouvernement, qui n’avait pas les moyens nécessaires pour établir une statistique électorale entièrement exacte : elles accusent seulement les circonstances. Il n’est peut-être pas hors de propos d’observer, pour l’enseignement des pays constitutionnels, que, parmi toutes les protestations envoyées au congrès, si beaucoup incriminent la violence employée par quelques fonctionnaires, une seule articule un fait de corruption, lequel n’a pas même été prouvé. Le parti progressiste, d’ailleurs, aurait mauvaise grace, il nous semble, à attaquer la loi nouvelle comme un résultat exclusif des idées conservatrices. C’est cette loi qui le fait rentrer dans la vie parlementaire, d’où l’avait chassé une législation en apparence plus libérale. MM. Madoz et Cortina ont repris leur siège au congrès. M. Évariste San-Miguel, le ministre de 1823, est aujourd’hui député de Madrid, comme M. Mendizabal, qui a été élu à Santander. Le parti progressiste compte environ une soixantaine de nominations. Quelle sera sa ligne de conduite et la nature de son opposition ? En attendant les débats de l’adresse, qui paraissent devoir être fort sérieux, il a pris une louable attitude dans les opérations préliminaires du congrès. Il a fait acte d’adhésion à la légalité. Sa rentrée même dans les chambres était l’abandon de tout projet d’insurrection, et ses paroles sont venues confirmer cette renonciation. MM. Madoz et Mendizabal, en attaquant le ministère, ont fait appel à la discussion, et ils l’ont fait avec une certaine modération de langage qui ne peut que leur donner plus de force et d’autorité. Voilà donc des contradicteurs de talent contre lesquels va avoir à se défendre la majorité conservatrice, qui a au congrès ses défenseurs habituels, MM. Mon, Pidal, Bravo-Murillo, Donoso Cortès, Martinez de la Rosa, Benavidès, etc. Malgré les difficultés de la situation, il est certain qu’aujourd’hui le système constitutionnel peut n’être plus un vain mot en Espagne. C’est l’honneur de l’opinion conservatrice d’avoir créé cette situation, d’avoir ramené les partis dans le cercle légal. Elle a enlevé aux passions un prétexte d’agitation en résolvant un des problèmes les plus délicats par le mariage de la reine. Il n’y a guère, en effet, que le parti carliste qui ait le droit de trouver mauvaise la solution donnée à cette question. Quant au parti progressiste, il nous serait difficile d’accueillir les bruits qui lui avaient attribué la secrète pensée de se tourner vers le fils de don Carlos,-si celui-ci voulait tirer de la poussière la constitution de 1812. Cet accouplement ne peut qu’avoir été inventé à plaisir ; il serait plus que monstrueux, il serait ridicule. Nous tenons, quant à nous, pour parfaitement sincères, les récentes protestations des chefs du parti progressiste ; ils acceptent la situation telle qu’elle est : c’est le ministère seul