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depuis plusieurs mois est venue troubler les bons rapports des deux pays. Il y avait sur cette question, entre la France et l’Angleterre, une action commune, proposée dès le principe par la France et acceptée par l’Angleterre. Les deux gouvernemens avaient reconnu qu’après avoir tant contribué à fonder la monarchie constitutionnelle de la reine Isabelle, ils devaient rester unis jusqu’au bout pour mettre le dernier sceau à l’œuvre de la quadruple alliance. Lord Palmerston a eu une autre pensée : il a préféré une politique isolée. Qui ne sait en Angleterre qu’il est revenu au pouvoir avec l’intention formelle de suivre, relativement à l’Espagne, une autre marche que lord Aberdeen ? Le gouvernement français, au contraire, a gardé la ligne qu’il avait prise dès le début : il parle en 1846 comme en 1842, comme en 1843. Loin de faire mystère des principes et des vues qui le dirigeaient, il les communique même aux puissances qui n’avaient pas reconnu le gouvernement de la reine Isabelle : c’était s’engager envers soi-même et envers les autres à rester fidèle à ces principes, à ne se laisser pousser ni au-delà ni en-deçà.

Les documens publiés sur Cracovie nous apportent la preuve officielle de l’influence qu’a exercée sur la résolution des trois puissances du Nord le différend entre l’Angleterre et la France. Nos premières conjectures sont devenues une certitude. Le 20 février 1846, le prince de Metternich chargeait M. le comte d’Appony d’assurer le gouvernement français que, dans l’occupation militaire de la ville libre de Cracovie, les trois puissances protectrices n’agissaient pas d’après des vues politiques, mais uniquement pour défendre une population paisible de l’anarchie et du pillage. Aussi M. Guizot répondait-il, le 23 mars, à M. le comte de Flahault, qu’il trouvait dans les assurances du prince de Metternich la pleine conviction que l’occupation militaire n’était qu’une mesure exceptionnelle, destinée à cesser aussitôt que les conjonctures permettraient de rentrer sans danger dans la situation créée par le traité de Vienne. A peu près à la même époque, M. de Canitz, à Berlin, confirmait à notre chargé d’affaires, M. Humann, que les trois puissances n’avaient jamais songé à prolonger au-delà du terme fixé par une nécessité réelle l’occupation du territoire et de la ville de Cracovie. Le 6 novembre 1846, le langage des trois puissances et de leur organe, M. de Metternich, était bien changé. En invitant M. de Thom, son chargé d’affaires à Paris, à faire connaître au gouvernement français la résolution par laquelle la ville et le territoire de Cracovie faisaient retour à l’Autriche, il qualifie cette résolution de fait irrévocable amené par des nécessités de la nature la plus absolue. Un mois après, le 3 décembre, M. le ministre des affaires étrangères envoyait à M. le comte de Flahault la protestation dont parle le discours de la couronne. La cour d’Autriche vient de répondre à cette protestation : elle insiste, dit-on, sur la nécessité où se trouvaient les trois puissances de prendre le parti qu’elles ont adopté ; elle défend cette œuvre collective, tout en exprimant le regret de se trouver sur ce point en dissentiment avec la France.

Sur tous les points, la vie parlementaire recommence. En Espagne, outre la gravité politique des circonstances, un intérêt particulier s’attache aux cortès rassemblées en ce moment. Ces cortès sont le produit d’une nouvelle loi d’élection qui s’est beaucoup rapprochée du système électoral français, en créant environ trois cent quarante districts, qui nomment chacun un député ; ce qui a augmenté d’une manière assez considérable le nombre des représentans. La loi