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où s’arrête l’esprit de l’homme ; à ceux qui doutent et s’abstiennent par excès de timidité, il fait voir les principes qu’il nous est permis d’assurer. Il sait enfin la poursuivre à travers des prétextes respectables, confession exagérée d’humilité chez les uns, ruse de guerre chez la plupart. On ne saurait trop rendre hommage à la ferme franchise avec laquelle M. de Rémusat maintient dans toutes les sphères le droit universel d’examen et la liberté native de la pensée humaine. Cela n’intéresse pas seulement les philosophes, main la société tout entière. La méthode et les principes de Descartes en philosophie, c’est-à-dire la proclamation de l’affranchissement de l’esprit, les principe de 1789 en politique, c’est-à-dire la proclamation de la liberté dans le domaine de l’activité pratique, voilà ce qu’il ne sépare pas, non plus que M. Royer-Collard, et ce qu’il a su revendiquer avec cette jeunesse et cette vivacité de sentiment qu’il est beau d’associer à la pleine maturité de l’intelligence. L’éloge de la révolution opérée par Descartes dans le monde intellectuel et de la révolution opérée par la constituante dans le monde des faits plane sur tout le discours de M. de Rémusat, et lui donne une signification plus que littéraire. Cela a pu choquer bien des préjugés, malgré la haute modération de la pensée et du ton ; c’est ce qui en fait à nos yeux un acte de courage. Avoir gardé sa foi aux principes après avoir connu les affaires, rester philosophe et le dire hautement, bien qu’on ait été ministre, c’est à la fois noble, piquant et hardi. Profiter d’une occasion solennelle pour montrer qu’on ne renie pas une seule de ses anciennes croyances, élever haut la philosophie, quand cela ne saurait être un titre à la faveur de la mode, et la révolution de 89, quand la politique a pris le pli de faire là-dessus la discrète et la réservée, voilà ce que nous apprécions, au-delà même des qualités fortes et brillantes de la forme. Tous les amis de la liberté de penser, tous ceux qui ne se Sont point refroidis sur le droit, tous ceux que touchent la loyauté des sentimens et l’accent de la conviction, sauront gré à M. de Rémusat de son discours de réception.


HENRI BAUDRILLART.