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à vapeur. Il a raison en ce sens qu’il évite par là la répétition des frais de dessin et de modèles, en même temps que les chances d’erreur ; c’est une économie réelle. Le type qu’il a choisi est d’ailleurs fort bon ; peut-être même était-il supérieur à tous les autres avant les perfectionnemens introduits depuis quelques années dans la construction de ces appareils. Malheureusement l’usage des machines à vapeur est trop borné en France pour que l’exécution d’un seul type, si excellent qu’il puisse être, suffise à entretenir l’activité d’un atelier. Sur le nombre des industriels qui ont besoin d’un moteur, combien y en a-t-il à qui ce type convienne ? C’est une machine à condensation, ce qui suppose l’emploi journalier d’une quantité d’eau considérable, circonstance qui seule rend la machine impropre pour tous les établissemens, et ils ne sont pas rares, où l’eau n’abonde pas. En outre, cette machine représente, dans son état normal, une force de 40 chevaux, ce qui exclut encore tous ceux des industriels qui demandent une force supérieure ou moindre. Il est vrai que, pour se prêter aux circonstances, on la violente un peu, de manière à lui faire représenter, selon les cas, une force de 30 ou de 50 chevaux, en augmentant ou en diminuant les dimensions des cylindres, au risque de troubler par là l’harmonie des diverses parties du mécanisme. On a beau faire cependant, on ne peut avec tout cela se prêter qu’à un petit nombre de besoins, et, malgré l’excellence de la machine, les commandes sont rares. Qu’en arrive-t-il ? C’est que l’atelier où elle se construit est fort souvent inoccupé, ou que le chef, voulant travailler et ne pouvant mieux faire, accepte des commandes incertaines ou se charge de machines de hasard, qui rapportent rarement ce qu’elles coûtent. D’autres mécaniciens, désireux de répondre à toutes les commandes qui leur sont faites et peut-être plus consciencieux en cela, varient au contraire leurs types et leurs modèles à l’infini ; mais aussi ils multiplient, dans la même proportion, leurs frais, et il arrive qu’avec tout le talent nécessaire, toute l’activité désirable, chargés d’ailleurs de commandes de toutes les sortes, on peut bien le dire, car les exemples n’en sont malheureusement pas rares, ils marchent à leur ruine. Rien de tel en mécanique que la spécialité des travaux, c’est en même temps la meilleure garantie de la rectitude des résultats et le principe le plus efficace du bon marché ; mais, il faut bien le reconnaître, cette spécialité n’est à sa place que là où la consommation est grande pour chaque produit. C’est cette circonstance, n’en doutons pas, qui, jointe à l’usage plus général des machines-outils, fait la grande et incontestable supériorité des mécaniciens anglais sur les nôtres. Or, pour que la consommation s’étende, une condition est nécessaire : c’est le bas prix du fer.

C’est en suivant ainsi une industrie dans ses applications et dans sa