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haut prix de ce métal ne lui permet pas d’en user[1], renonçant ainsi à tous les avantages, à toutes les jouissances qu’elle en pourrait tirer. C’est là, dira-t-on, un dommage négatif ; soit : en est-il moins réel ? Ce qui est, du reste, un dommage très positif, c’est la substitution forcée du bois au fer partout où le bois coûte moins que le fer à son prix actuel, mais plus que le fer qui nous serait livré par le commerce libre. Nous n’essaierons pas de déterminer le chiffre de cette perte, parce que le calcul s’établirait ici sur des données trop vagues, et nous laisserons à chacun le soin de l’apprécier.

Ce n’est pas tout. Si nous suivons l’industrie du fer dans ses dérivés, dans les fabrications qui en relèvent, nous trouverons que le dommage se prolonge en quelque sorte, qu’il s’étend de proche en proche en s’aggravant. Observons, par exemple, les effets de la cherté du fer dans la mécanique, cette industrie vitale, cette force acquise des temps modernes, dans laquelle réside en quelque sorte la puissance industrielle d’un peuple. La mécanique fait usage avant tout du fer ; c’est la principale matière première dont elle use ; disons mieux, c’est l’élément essentiel dont se composent tous ses produits. Quand cette matière est chère, la mécanique ne peut pas livrer ses produits à bon marché, cela va sans dire, et tout le monde le sent ; mais se fait-on bien une juste idée de l’aggravation de frais qui en résulte pour elle ? On croit peut-être qu’il suffit pour cela de prendre pour chaque machine le poids brut du métal d’où elle est sortie, et de tenir compte de la surcharge que ce métal a supportée. Ce n’est là, qu’on nous permette de le dire, qu’un des premiers élémens du calcul. Pour être dans le vrai, il faut tenir compte de la diminution qui en résulte dans la consommation, et de toutes les complications de travail, de toutes les aggravations de frais que cette diminution entraîne. Qu’on ne pense pas d’ailleurs que cette circonstance soit insignifiante ou de peu de valeur ; elle est, au contraire, aussi grave dans ses résultats que le fait même d’où elle dérive.

C’est une observation générale, qui n’est pas neuve, mais qui est toujours juste, que plus une industrie s’étend et se développe, plus elle trouve en elle de ressources pour produire à bon marché, parce que la spécialité des travaux s’y introduit, que les procédés se simplifient en conséquence, que le travail enfin y devient plus régulier et plus suivi. Nulle part toutefois cette vérité n’est aussi frappante qu’en mécanique, à ce point que l’accroissement de la consommation est peut

  1. Il y a même aujourd’hui une circonstance de plus, c’est qu’on ne peut pas toujours obtenir en France le fer dont l’emploi est indispensable et forcé. C’est ce qui arrive, par exemple, à plusieurs de nos compagnies de chemins de fer, qui ne peuvent pas obtenir de l’industrie française, en temps utile, les rails et les coussinets nécessaires à l’établissement de leurs voies.