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le 20 août devant le Ferrol, eût été informé par les croiseurs anglais ou par les bâtimens neutres des mouvemens de l’amiral Villeneuve, À cette nouvelle, Calder fût sans doute revenu brusquement sur ses pas et eût de nouveau rallié Cornwallis, ou, comme Nelson l’eût certainement fait à sa place, il eût poursuivi et harcelé l’armée combinée jusqu’aux attérages. Dans ces deux cas, les craintes de Villeneuve et de Gravina se seraient infailliblement réalisées. La jonction de Villeneuve et de Gantheaume se fût-elle, malgré tant de chances contraires, opérée sans combat, 55 vaisseaux eussent-ils été réunis devant Brest, qu’il restait encore à conduire ces vaisseaux dans la Manche. 35 vaisseaux anglais, auxquels fussent venus peut-être s’ajouter de nouveaux renforts, auraient-ils essayé de nous disputer le passage ? A portée de leurs rades et de leurs arsenaux, dans cette mer où Cherbourg n’offrait encore à nos flottes qu’un insuffisant abri, ces vaisseaux, pleins de confiance et formés par deux années de croisière, auraient-ils attaqué avec avantage une armée peu faite aux manœuvres d’ensemble, et que des vents variables, des courans violens et irréguliers, des nuits déjà longues, auraient probablement empêchée de se concentrer ? Pour Villeneuve, malheureusement, ces questions n’étaient plus douteuses.

Le 11 août, cet amiral appareillait de la Corogne avec une jolie brise d’est, se portait d’abord au large dans l’espoir de rencontrer l’escadre de Rochefort, et, le 13 août, faisant route au nord-ouest, se trouvait dans l’après-midi à la hauteur du cap Ortegal, où les frégates la Naïad et l’Iris avaient été laissées par Calder pour l’observer. Le lendemain, le vent passa au nord-est. Les frégates anglaises que Villeneuve avait fait chasser avaient disparu ; mais trois voiles inconnues se montraient encore sous le vent. Deux d’entre elles étaient des bâtimens anglais : le vaisseau le Dragon et la frégate le Phoenix. La troisième était la frégate, française la Didon, détachée du Ferrol à la recherche du capitaine Lallemand et capturée le 10 août par le Phoenix. Un navire danois, interrogé par une de nos frégates, déclara que ces trois voiles précédaient ; une flotte de 25 vaisseaux anglais. Cette nouvelle était sans fondement, car l’amiral Calder n’avait pas encore quitté Cornwallis ; mais Villeneuve n’attendait qu’un prétexte pour faire route vers Cadix. Changeant tout à coup de direction, il mit le cap au sud, prolongea hors de vue la côte de Portugal, vint attérir le 18 août sur le cap Saint-Vincent, où il s’empara de quelques bâtimens marchands, et le 20 août entra dans Cadix, après avoir poursuivi sans succès les trois vaisseaux qui bloquaient ce port sous les ordres de Collingwood.

Du moment que la jonction des escadres françaises n’avait pu s’opérer à la Martinique, du moment que Nelson s’était mis sur la trace de Villeneuve, c’était là le dénoûment naturel de la campagne des Antilles. Tout autre que l’empereur eût abandonné cette trame rompue ; mais lui, par un suprême effort, déjà menacé par l’Europe en armes,