Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

force capable de réprimer l’esprit de désordre. Il y avait eu cependant des tentatives pour ébranler la confiance des populations dans la stabilité du gouvernement. Les adversaires de M. Coletti avaient répandu le bruit que son état était désespéré, et que le roi n’aurait d’autre parti à prendre que de se jeter dans les bras de l’opposition. Sur quelques points, ce langage abusa les esprits, et l’on vit se former des bandes d’agitateurs ; elles furent promptement dispersées. M. Coletti a sans doute en ce moment repris les affaires. Pendant sa convalescence, il a reçu non-seulement du roi, mais de toute la société d’Athènes, les témoignages d’intérêt les plus honorables. La chambre des députés a consacré la première quinzaine de décembre à la discussion de l’adresse en réponse au discours de la couronne. On peut remarquer que la commission qui a rédigé l’adresse a insisté sur les progrès de l’agriculture et sur ceux de la marine marchande, « qui témoignent hautement, dit-elle, de la tranquillité intérieure et de la sécurité au sein de laquelle se développent les travaux du peuple. » C’est une nouvelle réponse aux accusations de lord Palmerston, comme l’a fait clairement entendre le rapporteur de la commission, M. Corphiotaki, qui s’est exprimé sur ce sujet délicat avec une grande convenance.

Les symptômes que nous remarquions dernièrement dans la situation financière sont restés à peu près les mêmes. Nous avons de plus à signaler le paiement des arrérages du 3 pour 100 qui vient d’avoir lieu, et les versemens dans les caisses d’épargne que l’époque des étrennes rend plus considérables. Ce sont là des motifs réels d’amélioration dans les cours, car ces fonds entrent aussitôt dans la circulation et cherchent leur placement. S’il y a eu quelques mouvemens de baisse sur la rente, les chemins de fer n’ont pas suivi cette impulsion, car les compagnies continuent d’espérer que l’administration leur viendra en aide en les dispensant de divers embranchemens et en prolongeant la durée des concessions. Il ne faudra pas s’étonner que ces nouvelles demandes des compagnies ne passent pas sans réflexions et sans critiques. Les partisans de l’exécution des chemins de fer par l’état ne négligeront pas cette occasion de rappeler les avantages de leurs systèmes. Dans les chambres, on a aussi signalé à l’administration l’inconvénient d’entreprendre trop de travaux à la fois, soit au nom de l’état, soit par l’industrie privée. Les nouvelles demandes des compagnies démontrent jusqu’à un certain point la sagesse de ces avis. Toutefois la nécessité d’achever ce qui a été commencé domine la situation. On ne peut priver des compagnies sérieuses qui ont déjà versé des capitaux considérables des secours qui leur sont indispensables pour continuer leurs entreprises. L’état ne saurait refuser sa protection à l’industrie privée après l’avoir lancée dans la carrière. Il s’est produit, dans les derniers mois de l’année qui expire aujourd’hui, un fait assez nouveau pour nos mœurs publiques. L’économie politique a érigé des tribunes dans le pays, et a tenté, dans l’intérêt de la doctrine du libre-échange, une petite agitation. C’est surtout à Paris, à Bordeaux, à Marseille, que les libres-échangistes ont été entendus avec faveur ; on compte parmi eux des économistes fort distingués, comme M. Michel Chevalier, M. Léon Faucher. De leur côté, les partisans du système protecteur n’ont pas pensé qu’ils devaient se résigner en silence à la révolution commerciale dont on les menace. Eux aussi ont formé des réunions, des associations. Sur les différens points de la France, en Alsace, en Lorraine, en Champagne, en Normandie, à Lille, à Toulouse, les protectionnistes ont élu des représentans chargés de rédiger des mémoires et des protestations en faveur