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par sa chute, les frais de la réconciliation. Je ne voudrais croire qu’à la dernière extrémité que le cabinet britannique fût pour quelque chose dans cette partie qui se joue à jeu assez découvert ; quand cela serait, je serais désolé d’apprendre que notre gouvernement voulût essayer de se défendre de la même manière. Outre qu’il n’aurait probablement pas le bonheur de trouver de l’autre côté du détroit autant de gens disposés à le seconder dans cette patriotique besogne, sa cause est si bonne, qu’il peut la donner à juger non pas seulement aux adversaires de l’administration anglaise actuelle, mais à ceux qui la soutiennent dans le parlement. Cette administration tout entière et l’homme d’état qui la représente dans ses rapports avec l’étranger ont un sentiment trop vif de l’honneur et des intérêts de leur pays pour ne pas comprendre ce que, dans les questions qui se sont engagées entre la France et l’Angleterre, un sentiment exactement analogue au leur a commandé au cabinet français. Ce grand parti whig, dont ils sont aujourd’hui les chefs éminens, a toujours eu trois grandes préoccupations qui ont caractérisé sa politique : la poursuite des grandes réformes au sein de sa patrie, la propagation des idées libérales en Europe, et le goût pour l’alliance française. Par des causes dont il n’est pas d’ailleurs responsable, ce n’est pas lui qui a eu l’honneur, dans ces dernières années, d’accomplir au pouvoir la réparation des griefs dont il réclamait le redressement. On sait ce qu’à leur dernière arrivée aux affaires les whigs ont fait de l’alliance française, et comment ils se sont trouvés ligués contre nous avec les puissances du Nord. Il m’est impossible d’imaginer qu’un autre démenti de ce genre soit donné par eux à leurs vieilles traditions de parti, si puissantes en Angleterre. Le moment serait mal choisi. La lutte des idées libérales contre les penchans absolutistes et réactionnaires n’a jamais été aussi flagrante depuis seize ans qu’elle l’est aujourd’hui. L’Angleterre ne voudra pas nous laisser l’honneur d’être leur seul champion en Europe. Si cela devait être toutefois, espérons que notre gouvernement ne faiblirait pas. La situation serait grave, elle ne serait pas alarmante. On n’est jamais seul dans de semblables causes ; Dieu les prend en main et les fait marcher par des voies qui lui sont connues. Quand il leur fait lui-même leur chemin dans le monde, nul ne les peut arrêter ; elles s’avancent rapides et irrésistibles comme les flots de la mer, mais d’une mer sans marée, qui ne quitte plus les bords dont elle s’est emparée. Pour mon compte, je ne désespérerai jamais du succès de la politique de mon pays tant qu’il aura pour lui au dedans l’assentiment de la majorité des chambres, au dehors la sympathie des peuples libres de l’Europe.


O. D’HAUSSONVILLE.