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un peu habile et nombreuse qu’il faut vaincre ou persuader, et voyez quelle fâcheuse détente dans tous les ressorts d’un gouvernement ! Plus des ministres se sentiront forts du témoignage de leur conscience, plus ils seront disposés à prendre leurs bonnes intentions pour des mérites suffisans. Pourquoi leurs amis politiques, qui ont en eux si grande confiance, seraient-ils plus exigeans à leur égard ? Les difficultés sont là d’ailleurs avec leurs mille aspects, difficultés qui ne paraissent jamais aussi inextricables qu’à ceux qui sont chargés de les résoudre. N’y a-t-il pas aussi presque autant de raisons, et presque autant de bonnes raisons pour s’abstenir que pour agir ? La stagnation la plus complète deviendrait ainsi bientôt l’état habituel dans une forme de gouvernement qui avait été inventée apparemment pour conduire à un tout autre résultat. C’est le mérite de l’opposition d’entretenir la vie politique au sein des institutions. Ne nous hâtons pas de dire qu’une opposition, alors même qu’elle se trompe sur les besoins de son temps, sur le fond des choses et sur beaucoup de détails, est par cela même un composé d’ambitieux et de caractères mécontens. Il y a nécessairement un peu de tout cela dans une opposition ; mais il y a aussi des sentimens nobles et tout-à-fait désintéressés qui sont, après tout, un des aspects les plus beaux de la nature humaine. Certaines ames portent en elles-mêmes le goût d’une perfection irréalisable ; elles rêvent en tout plus que le possible ; elles visent au parfait, à l’idéal ; elles le demandent à la politique, et certes elles le trouvent là moins qu’ailleurs. Un tel penchant, renforcé par l’esprit de parti, doit faire trouver médiocre ce qui est bon, détestable ce qui est médiocre, et rend ainsi assez injustes ceux qui en sont animés. Cependant le germe de ce penchant se retrouve chez les plus grands caractères ; on doit en respecter jusqu’à l’excès. Peut-être faut-il même, dans le monde politique, que l’extrême exigence des uns corrige la trop grande facilité des autres. C’est ainsi qu’on arrive, sur toutes les questions, à des solutions moyennes dont les hommes doivent se contenter, comme ils doivent se contenter de tout sur cette terre, cherchant le bien, heureux quand ils ne trouvent pas le pire. Pour nous, nous sommes prêt à accorder qu’il faut en maintes circonstances rendre grace à l’opposition de ce que ce milieu n’est pas souvent placé trop bas ; nous ne trouverons jamais mauvais qu’elle se plaigne de ce qu’on ne le place pas assez haut.

J’ai fait sentir plusieurs fois, pendant tout le cours de ce rapide examen de notre situation, que je ne croyais pas à la durée de notre mésintelligence avec l’Angleterre, mais plutôt à la reprise prochaine des bons rapports entre les deux pays. Plusieurs personnes partagent cette opinion, tout en paraissant supposer que ces bons rapports devront être inévitablement précédés de la chute de l’un ou de l’autre cabinet, et il est facile de voir qu’elles espèrent bien que ce sera le nôtre qui fera,