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de l’Europe. En novembre 1815, nous subissions les dures conditions que de nouveaux malheurs nous avaient imposées.

Gardons-nous donc de confondre des traités qu’il importe à notre honneur et à nos intérêts de bien distinguer l’un de l’autre. La suppression de la république de Cracovie a porté atteinte au traité de Vienne ; n’allons pas nous hâter de porter atteinte au traité de Paris en fortifiant Huningue. Les droits que nous tenons du traité de Vienne sont plus précieux pour nous que les charges du traité de Paris ne sont lourdes. N’échangeons pas les uns contre les autres ; ce serait un marché de dupes. Si l’imprudence des puissances du Nord a ébranlé les bases de l’équilibre européen et remis en question la distribution des empires, contentons-nous, pour le moment, d’en prendre acte par notre protestation. Un avenir inespéré s’ouvre devant nous, sachons l’attendre et nous y préparer.

Quelle va être, au début de la session prochaine et en présence des questions considérables que nous venons d’indiquer, l’attitude des partis dans la nouvelle chambre ? On ne le sait pas encore, mais déjà on peut le présumer. La majorité paraît animée des mêmes sentimens envers le cabinet, lui sachant gré de ses succès dans la question des mariages espagnols, un peu étonnée et contrariée toutefois que ces succès aient compromis l’alliance anglaise, et indignée avant tout de l’attentat commis sur Cracovie. Quant à l’opposition, elle semble encore incertaine. Nous entendrons sans doute les orateurs de la gauche démontrer que les mariages des princesses espagnoles, et en particulier celui du duc de Montpensier avec l’infante, n’ont pour la France aucun intérêt politique ; qu’il n’y a pas eu grand mérite à les conclure, parce qu’au fond l’Angleterre ne s’en souciait guère. Les orateurs du centre gauche prouveront, au contraire, que l’Angleterre s’en souciait si fort, qu’il y a eu folie et presque trahison à compromettre dans cette occasion cette précieuse alliance anglaise. Ces orateurs se proposent, dit-on, de tracer l’historique de nos relations avec l’Angleterre. Ils feront ressortir comment le gouvernement a eu le tort d’être alternativement exigeant et facile à contretemps, se méprenant grossièrement sur la valeur et la portée des choses. En les entendant, la France sera forcée d’admettre que, s’il était naturel de risquer la guerre plutôt que de supporter le principe d’une indemnité en faveur d’un négociant anglais lésé dans ses intérêts, il était absurde de s’exposer au plus passager refroidissement pour écarter un prince de Cobourg du trône d’Espagne. Nous espérons sincèrement que les hommes même les plus hasardeux de l’opposition n’emploieront pas leur talent à donner quelque apparence de raison à de pareils jeux d’esprit. Le moindre inconvénient de cette tactique serait d’être en complet désaccord avec les faits. Si quelque chose ressort en effet avec clarté des détails que nous avons pris soin de donner sur les négociations