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Le mariage des princesses espagnoles, au contraire, était un de ces objets sur lesquels il était désirable et possible de s’entendre. C’était bien assez pour l’Espagne d’être commercialement et politiquement tirée entre nos deux influences ; que serait-il arrivé si elles s’étaient, pour ainsi dire, personnifiées dans deux candidats anglais et français qui, comme des chevaliers en champ clos, porteurs des couleurs de leurs parrains, se seraient disputé à outrance la main de la reine Isabelle ? Il aurait été à craindre qu’avant la fin du tournoi spectateurs et patrons se fussent jetés dans l’arène pour y prendre part au combat. Les gouvernemens de France et d’Angleterre ont voulu sagement éviter ce péril. Comme de coutume, on a transigé, et comme de coutume aussi on a procédé par exclusion. C’est nous qui avons fait de nous-mêmes les premiers pas dans cette voie de conciliation, en déclarant que les fils du roi des Français n’étaient pas au nombre des prétendans à la main de la reine Isabelle. Cette concession en appelait une équivalente de la part de l’Angleterre ; elle renonça au prince de Cobourg, proche parent du mari de la reine d’Angleterre, et promit de ne pas aider au mariage d’un prince qui ne serait pas de la maison de Bourbon.

C’était là, si je ne me trompe, où en était cette délicate négociation, quand la reine d’Angleterre vint à Eu pour la deuxième fois. Les ministres des affaires étrangères de France et d’Angleterre, M. Guizot et lord Aberdeen, s’abouchèrent directement. On entra dans des détails et des confidences qui n’avaient pas été confiés au papier. C’était le temps de la grande intimité. Lord Aberdeen reconnut, avec sa bonne foi ordinaire, que notre ministère était strictement resté dans les termes des engagemens contractés, n’avait pas voulu profiter des avantages que lui donnaient ses bons rapports avec l’Espagne pour mettre en avant la candidature de M. le duc de Montpensier. On fit un pas de plus dans la voie d’arrangemens amicaux. Lord Aberdeen eut connaissance du désir qu’avait la famille royale d’unir le duc de Montpensier à l’infante sœur de la reine ; il donna à ce mariage son adhésion, à condition toutefois qu’il n’eût lieu qu’après celui de la reine et quand elle aurait donné un héritier à la couronne d’Espagne.

Une réserve fut toutefois faite au milieu de ces conférences par M. Guizot et acceptée par lord Aberdeen. Par cette réserve, le ministre français établissait en termes exprès que, si un mariage avec un prince de la maison de Cobourg devenait jamais imminent, soit par la coopération, soit par le manque d’opposition de la part du cabinet anglais, soit de toute autre façon, la France se regarderait aussitôt comme dégagée et libre de demander immédiatement, pour M. le duc de Montpensier, non-seulement la main de l’infante, mais celle de la reine elle-même. Cette déclaration fut envoyée à Londres, sous forme de memorandum, dans les premiers mois de 1846, et communiquée par M. de