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le pays en face avec tant d’ensemble et d’assurance, beaucoup de gens en sont venus à concevoir de lui une assez pauvre opinion. Il est assez de mode aujourd’hui, au sein même du parti conservateur, de répéter, avec des accès de profonde tristesse et d’amer découragement, que la vie politique s’en va s’éteignant chez nous. On affirmerait, au besoin, que la France ne tient plus guère à ses libertés publiques, qu’à peine elle se soucie de garder son rang et de faire quelque figure en Europe. De tels jugemens sont aussi injustes que superficiels.

Sans doute, depuis tantôt seize ans que nous possédons dans toute sa vérité le gouvernement représentatif, à suivre de l’œil les ressorts les plus cachés de cette machine si compliquée, nous avons un peu rabattu de la première et enthousiaste admiration qu’elle nous avait causée ; nous avons compris qu’elle n’était point parfaite, non plus que tout ce qui sort de la main des hommes ; mais quelques illusions emportées ne nous ont point rendus ingrats pour cette conquête de la génération qui nous a précédés. Ceux qui, sous la restauration, ont pris une part active à la lutte dont elle a été la cause et le prix glorieux ont le droit de se reporter avec complaisance vers cette époque et de lui garder une secrète préférence. Permis à eux de trouver qu’il y a dans la poursuite d’un bien vivement désiré des émotions et des jouissances auprès desquelles toutes les autres deviennent fades ; mais est-ce donc d’émotions qu’il s’agit en politique ? La génération actuelle a bien aussi sa manière de prouver le cas qu’elle fait de l’héritage qu’elle a recueilli. Elle n’affiche pas pour les libertés publiques un culte exalté ; elle fait mieux, elle s’en sert. Que se passe-t-il au moment où nous écrivons ? Armés des droits qu’ils puisent dans la constitution, les fondateurs de la société du libre échange organisent sur tout le territoire de la France un vaste réseau d’associations qui ont pour but d’obtenir la modification de nos tarifs. Leurs adversaires, qui ne paraissent pas vouloir leur céder la victoire sans combat, provoquent avec une égale ardeur des manifestations opposées. En même temps et à côté d’eux, un parti qui s’intitule le parti catholique s’agite pour suppléer au nombre par l’activité et la tactique. Organisé pendant les élections pour imposer aux candidats dans l’embarras des engagemens conformes à ses vues, il s’arrange, dit-on, en ce moment pour en surveiller strictement la loyale exécution. Certes, un si général et si énergique usage des facultés d’action laissées à sa disposition est, pour un peuple constitutionnel, le plus éclatant témoignage d’attachement à ses institutions. Ne dites pas après cela que la France ne s’inquiète que médiocrement du maintien de ses libertés. Attendez seulement qu’on soupçonne quelqu’un d’y vouloir toucher, et vous verrez si elle saura les défendre.

On n’est pas plus près de la vérité lorsqu’on nous représente comme indifférens aux soins de notre dignité extérieure, comme oublieux de notre