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assuré. A son tour, elle s’adresse à l’embryogénie, et celle-ci lui a déjà livré plus d’une réponse satisfaisante pour le présent et l’avenir.

M. Edwards, un des premiers, était entré dans cette voie nouvelle[1]. Dès 1833, en présentant à l’Académie un mémoire relatif aux changemens de forme qu’éprouvent divers crustacés, il avait montré que ces métamorphoses tendent toujours à imprimer à l’animal un caractère de plus en plus spécial, qu’elles se succèdent dans un ordre déterminé d’avance, les plus importantes se montrant toujours les premières. Ainsi, par exemple, chez les isopodes, famille dont font partie les cloportes, que tout le monde connaît, le jeune animal présente d’abord les caractères propres à la famille, plus tard il acquiert ceux qui déterminent le genre, plus tard enfin ceux qui permettent de distinguer l’espèce. A peu près en même temps, le célèbre physiologiste allemand Baer développait des principes analogues. Depuis cette époque, les recherches, d’abord peu nombreuses, se sont multipliées, et, sans entrer ici dans des détails par trop spéciaux, nous citerons seulement, comme avant apporté à l’appui de ces idées les faits les plus précis et les plus concluans, MM. Thompson, Burmeister, Sars, Löven, Steenstrup, Van Bénéden. Siebold, Dujardin, qui se sont plus particulièrement occupé des animaux invertébrés, et MM. Tiedmann, Serres, Rathke, Vogt, Agassis, Bischoff, dont les travaux ont eu surtout pour objet l’embryogénie des vertébrés.

Ces travaux si divers, entrepris et menés à fin par des hommes dont les doctrines diffèrent d’ailleurs parfois sur bien des points, conduisent toujours à un résultat général identique. Tout germe en voie de développement se caractérise d’abord comme végétal ou animal. Chez les animaux, le type primordial se distingue en premier lieu ; puis viennent les particularités essentielles aux types secondaires ; plus tard apparaissent celles d’une moindre importance zoologique, et ainsi de suite, jusqu’à ce que chaque partie de l’organisme ait acquis les proportions, les formes, les couleurs, qui font reconnaître l’espèce.

On voit que les diverses phases du développement correspondent à des groupes zoologiques de plus en plus restreints. L’embryon acquiert d’abord les caractères de l’embranchement, puis successivement ceux de la classe, de la famille, de la tribu, du genre, du sous-genre et de l’espèce ; par conséquent, deux embryons que rien ne distinguait d’abord l’un de l’autre, continuant à croître, cesseront de se ressembler d’autant plus tôt, qu’ils appartiendront à des groupes plus élevés ; ils resteront

  1. Nous ne parlons ici que de l’application de l’embryogénie au perfectionnement de la méthode zoologique. Nous attendrons une autre occasion pour traiter de ce qui a rapport aux applications anatomiques et physiologiques, et nous chercherons alors à apprécier surtout l’importance des travaux de Geoffroy Saint-Hilaire et de M. Serres, le véritable successeur de cet illustre chef de l’école philosophique française.