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nous nous endormîmes bercés par les oscillations à peine sensibles de la barque. Au point du jour, nous étions sur pied. Le cap de Milazzo était bien loin derrière nous, et cependant Stromboli semblait s’être à peine rapproché. Dans ces régions chaudes, l’extrême transparence de l’air trompe long-temps l’habitant du nord sur la longueur réelle des distances. En partant de Milazzo, nous nous croyions à peine à quatre ou cinq lieues de Stromboli, tandis qu’il y a entre ces deux points près de treize lieues en ligne droite. A peine avions-nous fait la moitié du chemin depuis la veille, mais à ce moment une brise fraîche s’éleva, et bientôt la noire montagne grandit à vue d’œil, nous laissant distinguer ses flancs déchirés, ses coulées de trachytes et de laves, ses roches tourmentées d’une manière bizarre, et ses plages de sable fin noires comme tout le reste, où les vagues en déferlant semblaient jeter une écharpe de lait.

Stromboli n’est, à proprement parler, qu’un cône volcanique ayant près de trois lieues de circonférence, s’élevant à deux mille pieds environ au-dessus du niveau de la mer. Au sud le talus, composé de vieilles cendres, devient un peu moins raide et forme une plaine étroite et inclinée où sont disséminées une trentaine de maisons dont la lave a fourni tous les matériaux. Quelques autres sont groupées au nord, dans une localité à peu près semblable. Une petite église badigeonnée à la chaux tranche par sa blancheur sur ce sombre entourage. Au milieu des laves et des scories décomposées par l’action lente des siècles, croissent quelques légumes et quelques vignes dont les produits ne suffiraient pas à l’entretien de la population, si la pêche du corail n’était pour les habitans une industrie assez lucrative. Cette pêche, dont nous avons été témoins, se pratique encore de nos jours comme à l’époque où Marsigli en fit connaître les procédés, il y a plus d’un siècle et demi. Placés au nombre de trois au moins sur une embarcation, les pêcheurs jettent à la mer une croix dont les branches égales portent des filets tissés avec de l’étoupe. Une grosse pierre, placée au centre de l’appareil, l’entraîne rapidement au fond des eaux à une profondeur de deux ou trois cents pieds. Alors, tandis qu’un des pêcheurs élève et abaisse alternativement la machine, les autres rament lentement, de manière à balayer un certain espace. Puis on retire le tout, et l’on recueille les fragmens de corail qu’ont arrachés et retenus les mailles lâches du filet.

Une excursion rapide nous eut bientôt démontré que nos études n’avaient rien à attendre d’un long séjour à Stromboli. La vie animale semble fuir ces roches calcinées, aussi stériles sous l’eau qu’à l’air libre ; mais, avant de quitter ces parages, nous voulûmes visiter le volcan. Le receveur des douanes nous désigna des guides sûrs et voulut être du