Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caractériser l’état stationnaire de cette partie de la Sicile, la culture de la pomme de terre n’y a pas encore pénétré, et, pendant tout notre séjour à l’ouest de Palerme, nous n’avons pu nous procurer un seul de ces tubercules, qui, partout ailleurs, offrent aux classes pauvres des ressources presque assurées.

La route que nous avions choisie nous ramenait à Palerme. Nous traversâmes cette ville après avoir admiré une dernière fois l’étrange et magnifique église de Monréale, nous saluâmes en passant le château de la Bagaria, debout au milieu de ses villas princières, comme un roi entouré de sa cour, et nous gagnâmes l’antique Himera, qui, sous le nom moderne de Thermini, voit accourir chaque année à ses sources d’eau tiède une population empressée de leur demander la santé. Cette portion du voyage fut pour nous une vraie partie de plaisir. La température, jusqu’alors froide et pluvieuse, s’était élevée depuis quelques jours, et la terre déployait de toutes parts une admirable fécondité. La route côtoyait les sinuosités du rivage ou longeait le pied des montagnes, bordée tantôt de lauriers-roses en pleine floraison, tantôt de grandes solanées en arbustes, au milieu desquelles de gigantesques aloès dressaient leur tige tout unie, haute de dix-huit à vingt pieds. Des vignes aux longs ceps garnis de feuilles dentelées enlaçaient le tronc des cactus en fleurs, et mêlaient leurs légères guirlandes aux rameaux bizarrement tordus, aux épaisses palettes de ces plantes grasses. Des bois d’oliviers, des bouquets d’orangers, de citronniers, de caroubiers, accidentaient le paysage. Quelquefois, à notre droite, une petite vallée, profondément creusée dans la montagne, nous montrait ses flancs cachés sous un rideau de sombre verdure, d’où se détachaient, comme autant de bouquets, d’épais buissons de rosiers couverts de myriades de petites fleurs blanches ou roses, et toujours, à notre gauche, la mer étendait à perte de vue son horizon d’un bleu cru, ses plages pittoresquement découpées, et ses caps que couronnait souvent, comme un panache, un haut dattier aux feuilles étalées.

En approchant de Céphalu, l’œil exercé de Carmel avait reconnu la Sainte-Rosalie cinglant à toutes voiles vers le lieu du rendez-vous. Barque et mulets arrivèrent en même temps, et, quelques instans après, notre embarcation filait vers la presqu’île de Milazzo. Pendant une heure encore, nous longeâmes une côte à l’aspect aussi riant que celle que nous venions de parcourir ; puis les montagnes, de plus en plus élevées, se rapprochèrent du rivage et semblèrent sortir de la mer en revêtant des lignes plus sévères. Cependant elles restèrent vertes et richement accidentées. Ce n’étaient plus cette campagne déserte, ces falaises arides, ces roches décharnées, qui avaient fatigué nos regards à l’ouest de Palerme : partout se révélaient la présence de l’homme et une civilisation plus active. Des villages assez nombreux nous montraient