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lord Stanley, tant que les grands propriétaires n’auront pas créé d’occupations suffisantes pour produire dans les campagnes une population ouvrière, il faudra toujours secourir la population actuelle des petits cultivateurs, au risque d’encourager cette division de la culture d’où sort le paupérisme irlandais. Il y a donc là une raison de plus pour justifier ces prêts d’argent que l’état offre aux landlords, à la condition de les utiliser sur leurs domaines. De quelque côté que l’on étudie ces dernières mesures du gouvernement anglais, on doit reconnaître que tout le système repose sur le bon emploi de ces avances pécuniaires : il est donc tout-à-fait déraisonnable de les reprocher avec la passion du Times au ministre qui les fait et aux intéressés qui les acceptent ; il serait encore moins sensé de ne pas donner une valeur efficace aux sanctions pénales qui garantissent l’état contre le mauvais usage de ses deniers. Il est bon qu’on apprenne qu’il peut y avoir au besoin pour l’Irlande un nouveau moyen de la régénérer dans cette menace d’expropriation suspendue sur la tête des propriétaires incapables ou paresseux.

La question du temps de travail dans les fabriques s’est de nouveau présentée dans la chambre des communes, où de nombreuses pétitions sont venues la réveiller. Il y a bien là sous jeu quelque représaille du parti agricole contre le parti manufacturier ; lord Morpeth et lord Bentinck ont même assez maladroitement trahi ces ressentimens ; lord John Manners les servirait peut-être sans le vouloir, avec les intentions les plus philanthropiques du monde. Puisque le gouvernement s’est mêlé des affaires agricoles et qu’il a touché si rudement aux droits des propriétaires, pourquoi respecterait-il davantage ceux des industriels ? Puisque l’on a mis le pain à bon marché, pourquoi l’ouvrier travaillerait-il encore tout le temps qu’il travaillait pendant que le pain était cher ? Sir Robert Peel a répondu avec cette raison si pratique et si ferme qui le distingue ; diminuer le revenu qui naît de la production, c’est frapper la production d’une charge toute pareille à l’income-tax, sauf cette différence, que le profit de la taxe passera tout entier dans les mains étrangères. Les intérêts d’humanité sont d’ailleurs mieux sauvegardés qu’ils n’étaient autrefois dans le travail actuel des fabriques ; les ateliers sont mieux bâtis, les règlemens plus convenables, le personnel mieux surveillé. C’est une amélioration dont le législateur doit tenir grand compte avant d’intervenir dans ces relations si délicates du maître et de l’ouvrier, et il faudrait de bien autres griefs pour que la législature osât porter atteinte à cette libre disposition de soi-même qui est le grand trait du caractère anglais.

Pour terminer cette revue des dernières discussions parlementaires, nous dirons encore quelques mots du bill de M. Watson destiné à compléter les mesures d’émancipation qui, depuis 1829, ont affranchi les catholiques d’Angleterre des conséquences légales du principe absolu de la religion d’état. Les peines déterminées par l’acte d’Élisabeth contre ceux qui ne reconnaîtraient pas la suprématie religieuse du souverain avaient été abolies par la législature en 1844 et 1846, après l’avoir été déjà par une longue désuétude ; mais la négation de cette suprématie est encore qualifiée de délit comme au temps d’Élisabeth, et des lois particulières qui n’ont pas été formellement abolies en 1829 menacent toujours de peines rigoureuses l’introduction des bulles pontificales sur le sol britannique, condamnent à la déportation les personnes engagées dans les ordres religieux, défendent aux prêtres catholiques d’exercer leur ministère hors de leur