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pleine de franchise du roi Othon a été généralement approuvée par les représentans des puissances européennes auprès du sultan. Il n’y a pas eu de leur part de démonstration collective, mais le gouvernement turc n’a pu ignorer leurs sentimens à ce sujet. L’ambassadeur de France, M. de Bourqueney, a écrit à Réchid-Pacha qu’à ses yeux la lettre du roi Othon au sultan était la meilleure solution d’une affaire aussi délicate. M. de Metternich a mandé au comte de Sturmer qu’après cette initiative prise par le roi de la Grèce, la Porte devait se tenir pour satisfaite. Il est probable que ces indications ne seront pas sans influence sur le gouvernement du sultan, et qu’il montrera dans cette circonstance de la modération et de la courtoisie. Quant aux relations générales de la France avec la Porte, il y a eu dans ces derniers temps deux faits, dont l’un n jeté quelque froid entre elle et nous, et dont l’autre lui a, au contraire, inspiré à notre égard une sympathique estime. Ce qui l’a mécontentée, c’est la réception que notre politique et nos intérêts en Afrique nous commandaient de faire au bey de Tunis. Nous ne pouvons nous dissimuler que la reconnaissance du bey comme prince souverain a été pour le sultan une assez vive blessure. Toutefois, après l’échange de quelques notes à ce sujet, on est convenu de part et d’autre de laisser tomber la question ; on s’en réfère au statu quo, et la Porte accepte l’état présent de la province de Tunis. Heureusement l’attitude et le langage de la France dans l’affaire de Cracovie sont venues dissiper ces impressions fâcheuses. La protestation du gouvernement français, le discours de la couronne, les démonstrations des deux chambres, ont produit le plus favorable effet. Sur ce terrain, les puissances du Nord ont eu le dessous ; elles n’ont pu réussir à justifier le coup d’état de Cracovie aux yeux de la Porte. Le gouvernement du sultan a senti que la France, en défendant le droit européen, prenait indirectement sa défense : la Porte a pu voir dans l’avenir sa propre indépendance servant d’enjeu aux combinaisons de la politique. La Russie a été assez inquiète de ce que la Porte pensait à ce sujet pour que son représentant, M. d’Oustinoff, qui a succédé à M. de Titoff, ait demandé au gouvernement du sultan ce qu’il ferait en cas de guerre européenne. M. d’Oustinoff voulait aussi savoir si certaines puissances avaient déjà adressé quelques questions à la Porte sur une semblable éventualité. La Turquie paraît avoir répondu qu’elle garderait la neutralité, mais que, si son indépendance était menacée, elle combattrait avec les alliés que lui donnerait la fortune. Pour des insinuations venues du dehors, aucun cabinet ne lui en avait fait. Il est remarquable que la question de Cracovie ait partagé à Constantinople les gouvernemens européens en deux catégories : d’une part les puissances du Nord qui ont violé les traités, de l’autre les puissances maritimes qui ont protesté contre cette violation. Avec des dispositions pareilles, quel ascendant n’exercerait pas l’action commune de la France et de l’Angleterre ! N’est-ce pas là un de ces cas importans où il est de la plus stricte exactitude d’affirmer que leur désaccord compromet la cause de la civilisation, du droit et de la liberté ?

Cette cause, qui est au fond la grande affaire du siècle, nous la retrouvons partout sous des aspects différeras. Serait-ce véritablement elle que nous verrions en Bavière mêlée au plus imprévu des incidens, qui a tous les caractères d’une folle aventure ? Voltaire s’était fait le courtisan de Mme  de Pompadour dans l’intérêt de la philosophie : faut-il aujourd’hui que le libéralisme allemand se mette à Munich aux pieds d’une danseuse ? Quant aux jésuites, ils tonnent contre la