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la plaine de Téhéran, avec un simple pavillon tendu au-dessus de sa tête et quelquefois même tout-à-fait à découvert, afin d’être vu par la multitude assemblée. Je l’ai vu tenir ainsi son salam, c’est-à-dire son audience publique, entouré de ses courtisans, avec toute la pompe et la magnificence du cérémonial asiatique. C’était en ces jours de réception en plein air que les députés des provinces éloignées et les chefs des tribus nomades, avec leurs cortéges aussi bizarres que nombreux, s’assemblaient pour rendre hommage au nouveau souverain. Il en était sans doute de même au temps de Cyrus, et c’est apparemment en ce lieu, dans la plaine de Pasargada, qu’il recevait le serment de fidélité et d’obéissance de toutes les divisions de la grande famille persane, ainsi que des nations qu’il avait soumises. »

En suivant vers le sud-ouest, par-dessus la crête montagneuse qui sépare les deux plateaux, la direction du Kour ou rivière de Mourghab, jusqu’à ce qu’il débouche sous le nom de Polvar dans la vallée d’Hapek, on remarque sur la rive gauche les ruines de l’ancienne ville d’Istakar, qui, d’abord simple campement pour les gens du service des rois, a grandi aux dépens de Pasargada et lui a évidemment succédé, comme il paraît par le caractère plus moderne de ses constructions. Sur la rive droite s’élève la montagne de Houssein-Koh, avec les bas-reliefs et les inscriptions de Nakschi-Roustam (images de Roustam). Une superstition locale explique le nom donné à ces bas-reliefs, où on a cru voir représentées les actions de cet ancien héros de la Perse ; mais un savant français, M. de Sacy, est parvenu à déchiffrer les inscriptions de Nakschi-Roustam, et nous savons maintenant que les monumens en question appartiennent à l’époque des rois Sassanides. On reconnaît ces souverains à la forme de la coiffure, exactement semblable à celle qu’on retrouve sur leur monnaie.

A partir des ruines d’Istakar s’étend sur la rive gauche du Polvar (Merlus), jusqu’au confluent de cette rivière et de l’Araxe, la plaine de Persépolis proprement dite, et, en continuant de longer les montagnes qui dominent cette plaine, on ne tarde pas à arriver devant les ruines colossales du palais de Persépolis ou de Tchil-Minar[1] (les quarante colonnes), comme il est actuellement nommé par les Arabes. La description de M. de Bode se ressent de la vivacité des premières impressions ; elle est incomplète. L’observateur est ébloui. Si nous ne connaissions déjà les ruines de Persépolis par l’admirable travail de Heeren, nous aurions de la peine à nous y retrouver d’après l’esquisse un peu confuse du baron de Bode. Toutefois la critique aurait mauvaise grace à se montrer sévère, car l’auteur convient lui-même de son impuissance. « L’effet produit sur moi, dit-il, par la série des grandes scènes de Persépolis était à peu près celui qu’on éprouve en parcourant une immense galerie de magnifiques tableaux, la galerie du Palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg, par exemple. De même que l’ou va presque machinalement de salle en salle et de chef-d’œuvre en chef-d’œuvre dans un ravissement silencieux, interrompu seulement de moment en moment par une courte exclamation d’admiration et de surprise, de même aussi j’allais d’un groupe de ruines à l’autre, sous le coup d’un étourdissement qui ressemblait à

  1. Il n’y a pas précisément quarante colonnes ; il y en a bien davantage, mais les Perses emploient quarante comme nous nous servons du nombre mille pour dire beaucoup, et un grand nombre de leurs palais portent ce même nom de Tchil-Minar.