Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/1117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tristesse se peignit sur ses traits. Son beau visage avait, depuis la mort de William Meredith, une expression de si profonde mélancolie, qu’il n’était possible d’y remarquer qu’un sourire, s’il venait à se montrer ; quant à la tristesse, elle était toujours là.

— Partir ! s’écria-t-elle, vos soins étaient si utiles à mon enfant !

La pauvre femme oubliait de regretter son dernier ami qui s’éloignait, la mère seulement regrettait le médecin utile à son fils. Je ne me plaignis pas. Être utile est la douce récompense de ceux qui sont dévoués.

— Adieu, reprit-elle en me tendant la main. Partout où vous irez, que Dieu vous bénisse ! et, s’il veut un jour que vous soyez malheureux, qu’il place du moins près de vous un cœur compatissant comme le vôtre !

J’inclinai mon front sur la main d’Eva Meredith, et je m’éloignai profondément ému.

L’enfant était couché devant le perron, sur l’herbe, au soleil. J’allai vers lui, je le pris dans mes bras, je l’embrassai à plusieurs reprises ; je le regardai long-temps, long-temps, attentivement, tristement ; puis une larme mouilla mes yeux. « Oh non ! non ! je me trompe ! » murmurai-je, et je quittai précipitamment la maison blanche.

— Mon Dieu, docteur ! s’écrièrent à la fois tous les auditeurs du médecin du village, que craigniez-vous donc pour cet enfant ?

— Laissez-moi, mesdames, répondit Barnabé, achever cette histoire à ma manière ; chaque chose sera dite en son temps. Je raconte les événemens dans l’ordre où ils sont venus pour moi.

Arrivé à Montpellier, je fus reçu à merveille par mon oncle, si ce n’est toutefois qu’il me déclara qu’il ne pouvait ni me loger, ni me nourrir, ni me prêter de l’argent, et que moi, étranger, sans réputation, je ne devais pas espérer un seul client dans cette ville remplie de médecins célèbres.

— Alors, mon oncle, lui dis-je, je retourne dans mon village.

— Non pas, non pas ! reprit-il, je t’ai trouvé une situation honorable. Un Anglais, fort vieux, fort riche, fort goutteux, fort inquiet, désire avoir toujours un médecin sous son toit, un jeune homme intelligent pour suivre sa maladie sous la direction d’un autre médecin. Je t’ai proposé, tu as été accepté : partons.

Nous nous rendîmes immédiatement chez lord James Kysington. Nous entrâmes dans une grande et belle maison, remplie de nombreux domestiques, et après avoir fait plusieurs stations, d’abord dans les antichambres, ensuite dans les premiers salons, nous fûmes introduits dans le cabinet de lord James Kysington.

Lord J. Kysington était assis dans un grand fauteuil. C’était un vieillard d’un aspect froid et sévère. Ses cheveux complètement blancs faisaient