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— Monsieur, lui répondis-je, j’ai fait des études sérieuses ; je suis pénétré de la responsabilité et de l’importance de mon état ; vous pouvez avoir confiance en moi.

— Eh bien ! me dit-il, je recommande à vos soins ma femme, dont la situation présente réclame quelques conseils et quelques précautions. Elle est née loin d’ici ; elle a quitté famille et amis pour me suivre. Moi, pour la soigner, je n’ai que mon affection, mais nulle expérience. Je compte sur vous, monsieur ; s’il est possible, préservez-la de toutes souffrances.

En disant ces mots, le jeune homme fixa sur sa femme un regard si plein d’amour, que les grands yeux bleus de l’étrangère brillèrent de larmes de reconnaissance. Elle laissa tomber le petit bonnet d’enfant qu’elle brodait, et ses deux mains serrèrent la main de son mari.

Je les regardais, et j’aurais dû trouver que leur sort était digne d’envie ; il n’en fut rien. Je me sentis triste : je n’aurais pu dire pourquoi. J’avais souvent vu pleurer des gens dont je disais : Ils sont heureux ! Je voyais sourire William Meredith et sa femme, et je ne pus m’empêcher de penser qu’ils avaient des chagrins. Je m’assis auprès de ma charmante malade. Jamais je n’ai rien vu d’aussi joli que ce joli visage, entouré de longues boucles de cheveux blonds.

— Quel âge avez-vous, madame ?

— Dix-sept ans.

— Ce pays éloigné où vous êtes née a-t-il un climat bien différent du nôtre ?

— Je suis née en Amérique, à la Nouvelle-Orléans. Oh ! le soleil est plus beau qu’ici !

Elle craignit sans doute d’avoir exprimé un regret, car elle ajouta :

— Mais tout pays est beau quand on est dans la maison de son mari, près de lui, et que l’on attend son enfant.

Son regard chercha celui de William Meredith ; puis, dans une langue que je n’entendais pas, elle prononça quelques paroles si douces, que ce devaient être des paroles d’amour.

Après une courte visite, je me retirai en promettant de revenir.

Je revins, et, au bout de deux mois, j’étais presque un ami pour ce jeune ménage. M. et Mme Meredith n’avaient point un bonheur égoïste ; ils avaient encore le temps de penser aux autres. Ils comprirent que le pauvre médecin de village, n’ayant d’autre société que celle des paysans, regardait comme une heure bénie celle qu’il passait à entendre parler le langage du monde. Ils m’attirèrent à eux, me racontèrent leurs voyages, et bientôt, avec cette prompte confiance qui caractérise la jeunesse, ils me dirent leur histoire. Ce fut la jeune femme qui prit la parole :

— Docteur, me dit-elle, là-bas, par-delà les mers, j’ai un père, des sœurs, une famille, des amis, que j’ai aimés long-temps, jusqu’au jour