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LE ROMAN


DANS LE MONDE.




On ne sait pas assez ce que l’on perd à ne demander qu’aux écrivains de profession l’expression dernière et complète de la littérature de son temps. En dehors des centres accoutumés de la vie intellectuelle, il y a plus d’une aimable découverte à faire, et aujourd’hui surtout la route commune est assez encombrée, assez bruyante, pour qu’on aime à s’en écarter et à chercher l’ombre dans les sentiers qui la côtoient. En France, heureusement, jamais la société polie n’a cessé d’aimer les lettres, ni de les honorer en les cultivant. Au moment où les marchands envahissent le temple, ne doit-on pas s’applaudir que l’art noble et délicat retrouve ainsi sur des autels cachés, et comme en d’aristocratiques oratoires, les pieux hommages qui lui manquent ailleurs ? Pourtant il ne faudrait pas, nous le croyons du moins, que le mystère enveloppât toujours ces tentatives trop rares et trop discrètes. Parmi des œuvres souvent si charmantes, il en est plus d’une autour desquelles il conviendrait d’agrandir le cercle de lecteurs que de trop vifs scrupules voudraient limiter. Moins que jamais peut-être il sied à la littérature de dédaigner les leçons du monde. Il y a là, en présence de certaines ambitions excentriques et bruyantes, une école toute trouvée de naturel et de grace ; il y a là surtout cette atmosphère sereine que déjà, sous l’empire, Joubert souhaitait aux lettres, et qu’il nous sera permis de leur souhaiter encore.

On se souvient d’un simple et charmant récit que cette Revue publiait, il y a quatre ans, sous le titre de Résignation[1]. A propos de ces pages, dont la grace touchante laissait deviner la plume d’une femme, nous signalions déjà l’influence heureuse qu’un contact plus direct avec le monde pouvait exercer sur

  1. Voyez ce récit et l’article qui le précède dans la livraison du 15 mai 1843.