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les critiques que MM. Bignon et de Genz ont faites, dans des sens tout opposés, de la marche suivie par Fox dans ce grave débat, s’attache à établir qu’il y porta constamment autant d’habileté que de bonne foi, que, désirant sincèrement la paix, il ne montra jamais pourtant la moindre disposition à l’acheter par des sacrifices peu honorables ; qu’il resta inébranlable sur le terrain où il s’était placé dès le premier moment, et que les manœuvres artificieuses de la diplomatie française furent impuissantes à l’en faire dévier. Une telle discussion n’est pas susceptible d’analyse ; je me bornerai à constater l’impression qui m’en est restée. Il en ressort évidemment, à mon avis, que Fox maintint en cette occasion, comme toujours, la dignité du gouvernement britannique, tout en se prêtant à des concessions raisonnables pour obtenir la paix : il en ressort aussi qu’à aucune époque de la négociation il n’en attendit beaucoup de succès, que de très bonne heure les tergiversations de M. de Talleyrand détruisirent le peu d’espérance qu’il avait pu concevoir, et que, lorsque la maladie qui le conduisit si rapidement au tombeau le força à remettre eu d’autres mains la direction des affaires toute chance d’arriver à un résultat pacifique était déjà évanouie. Il s’en exprimait dans ce sens à son lit de mort.

Voilà, je le répète, ce que sir Robert Adair démontre péremptoirement, et c’est assez pour le but qu’il s’était proposé. Je ne sais si, sur quelques points particuliers, il n’affaiblit pas un peu cette démonstration en voulant la pousser trop loin, en cherchant à établir qu’il n’y a pas eu, dans tout le cours de la négociation, un seul moment d’incertitude, une seule fausse démarche de la part de Fox et de ses agens. Lors même qu’un examen plus complètement impartial viendrait prouver que, dans les conjonctures singulièrement difficiles et compliquées où ils se trouvaient placés, ne connaissant pas même avec certitude les dispositions et les projets des puissances auxquelles l’Angleterre était liée d’intérêts, ils ont quelquefois hésité non pas sur le but, mais sur les moyens d’y arriver, je ne vois pas quel tort sérieux ferait à leur mémoire l’aveu d’une telle hésitation ; j’y verrais plutôt un gage de leur bonne foi. C’est, au surplus, un doute que j’exprime plutôt qu’une conviction bien arrêtée. Il y a d’ailleurs quelque chose de touchant dans le sentiment qui anime sir Robert Adair, lorsqu’il fait, en termes si absolus l’apologie de son ancien ami, de celui dont il se glorifie d’être le disciple et dont le souvenir, quarante ans après que la mort les a séparés, lui inspire encore contre ses détracteurs des accens si vifs et si énergiques. On aime à le voir retrouver l’ardeur, les préjugés, la passion déclamatoire de la jeunesse, pour répondre à M. de Genz, qui, dans sa haine instinctive contre le généreux défenseur de toutes les causes libérales, s’était permis d’écrire que, si Fox avait été l’idole d’une partie de ses contemporains, la postérité le