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sur la suppression des couvens d’Argovie, mais elle insistait encore, quoique mollement, sur l’éloignement des jésuites qui vivaient à Lucerne[1], et les mesures qu’elle avait décrétées à une grande majorité contre l’organisation des corps francs n’étaient sérieusement exécutées que par le gouvernement cantonal de Zurich. Regardant, par conséquent, la protection de la diète comme à peu près illusoire, et les dispositions de leurs voisins comme décidément hostiles, les cantons catholiques résolurent de conclure une ligue séparée (Sonderbund). Ils s’engagèrent l’un envers l’autre à se défendre contre tout ennemi du dehors et du dedans, à s’armer à la première réquisition pour repousser les agressions dont le territoire de chacun d’eux deviendrait le théâtre ; ils composèrent un conseil permanent, dont Lucerne devait être le siége ; ils nommèrent un commandant supérieur de leurs forces disponibles, formèrent une caisse militaire, et donnèrent à ces différentes opérations une publicité jugée imprudente même par leurs amis des autres cantons. Dès le mois de novembre 1845, les bases de ce concordat se trouvaient arrêtées ; le texte en était publié, peu de temps après, dans plusieurs journaux suisses, et, le 20 juin 1846, le directoire fédéral, ne pouvant désormais en prétexter ignorance, appela sur cette question l’attention des états, demandant qu’à la prochaine diète des instructions fussent données aux députés pour arriver à une solution formelle.

Lucerne prit le parti d’avouer hautement l’existence du concordat, « résultat de la conférence des cantons catholiques. » Lucerne s’efforçait d’en justifier la légalité ; mais, en regard des stipulations positives du pacte, toute cette partie de l’argumentation des cantons séparatistes était d’une évidente faiblesse. L’équité naturelle plaidait beaucoup mieux leur cause : mis en présence de dangers certains, et ne trouvant plus dans une association désorganisée la protection qu’elle aurait dû leur offrir, ces états ne faisaient que recourir à leurs propres ressources pour conserver leur existence. Ils se bornaient, en définitive, à se pourvoir eux-mêmes des sécurités que le directoire et la diète leur auraient vainement promises, et leur accord, dirigé seulement vers la défensive, ne les empêchait pas de remplir toutes leurs obligations matérielles envers l’ensemble de la confédération. Du reste, leur décision était prise avec une irrévocable fermeté. Un blâme de la majorité des états, une menace de la diète, une sommation du directoire, devaient évidemment demeurer sans résultat. Le pacte catholique ne pouvait être dissous que par la force des armes. La diète sentit qu’en

  1. Un autre établissement de la compagnie s’était formé nouvellement dans le bourg, de Schwytz.