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ne voulait à aucun prix descendre au rang de ville de province, vota, dans la diète de 1833, contre le projet de sort ancien plénipotentiaire. Pour des motifs analogues, Bâle rejeta cette même proposition ; Neufchâtel suivit en cette rencontre son plan de résistance à toutes les nouveautés politiques qu’on introduisait dans le pays. Le Valais, docile à l’influence de son évêque et des anciennes familles, s’unit aux petits cantons, dont la position déterminait le vote. Du côté opposé, les démocrates absolus, qui recevaient de leurs adversaires et prenaient volontiers eux-mêmes le nom de radicaux, irrités des ménagemens que le projet de Lucerne conservait pour les droits acquis et pour le passé historique des cantons, ne permirent point à leurs représentans de lui donner leurs voix. Ainsi, sous une coalition de répugnances les unes honorables, mais peut-être irréfléchies, les autres égoïstes et turbulentes, tomba ce plan de conciliation dont la Suisse aura peut-être à déplorer le mauvais succès. D’ailleurs, la question de la révision du pacte n’a jamais été formellement abandonnée. A la diète de 1844, dix voix et deux demi-voix se sont encore prononcées pour le maintien au recès[1] de cette question, sur laquelle pourtant, dans le partage actuel des intérêts et des esprits, il est impossible d’espérer qu’on se mette pacifiquement d’accord.


VI.

Quand il fut devenu évident qu’on ne devait plus attendre le changement du pacte fédéral, au moins par les moyens légaux, les passions qui bouillonnaient dans la Suisse cherchèrent à s’ouvrir d’autres voies ; les constitutions cantonales furent de nouveau examinées avec méfiance et colère ; les relations extérieures de la confédération devinrent l’objet de discussions passionnées ; enfin les dissidences religieuses, envisagées tout d’un coup avec une ardente intolérance, firent naître pour le pays des difficultés nouvelles, plus sérieuses que celles qu’on avait surmontées jusqu’alors.

Depuis les révolutions cantonales de 1831, l’Autriche, la Prusse et la Russie n’avaient cessé de recommander, par l’organe de leurs représentais en Suisse, la conservation intégrale du pacte fédéral de 1815 ; la France et l’Angleterre, au contraire, ne témoignaient aucun éloignement pour des modifications qui pourraient être pacifiquement introduites dans cette constitution. La France toute seule se montrait très ouvertement favorable à la prépondérance universelle du principe démocratique, tandis que l’espèce d’ostracisme qui, dans plusieurs états, pesait lourdement sur les membres des anciens patriciats déplaisait

  1. C’est-à-dire sur la liste des objets dont la diète est, jusqu’à solution définitive, appelée à s’occuper.