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où chacun se retirait, il le fit inviter par Duroc à dîner pour le jour même, témoignage d’empressement qui fut remarqué comme une dérogation aux usages de cette cour naissante. Fox raconte, dans son journal, que le dîner, auquel prirent part deux cents personnes, fut magnifique, et que Joséphine, qui en faisait les honneurs, lui parut très aimable. Dans la soirée qui suivit, le premier consul engagea avec ses hôtes un entretien qui roula successivement sur un grand nombre de sujets, mais qui semble avoir été de sa part un long monologue plutôt qu’une conversation. Il se plaignit vivement de la violence extrême et de la licence des journaux anglais, qui, comme on sait, étaient pour lui l’objet d’une grande préoccupation ; il dit qu’en admettant même qu’ils ne fissent aucun effet fâcheux en Angleterre, ils pouvaient devenir en France une occasion de révolte et de guerre civile. Parlant de la situation intérieure de la France, il ajouta que cette situation rendait absolument indispensable l’entretien d’une armée considérable, même en temps de paix. Ainsi se passa la journée du 2 septembre, la seule dans laquelle il y ait eu, entre Napoléon et Fox, quelque chose qui ressemble à une conversation politique. Le 22 du même mois, ils se rencontrèrent à l’exposition de l’industrie, mais ils ne s’abordèrent pas. Le lendemain, Fox fut reçu une seconde fois à Saint-Cloud. Le 10 du mois suivant, sa femme y fut présentée, et Joséphine les reçut l’un et l’autre avec sa grace habituelle ; mais dans ces dernières visites aucune parole de quelque intérêt ne fut prononcée. Fox, ayant terminé les recherches qu’il était venu faire à Paris pour un travail historique dont il s’occupait alors, ne tarda pas à repartir pour Londres. Déjà les relations des deux gouvernemens, si récemment réconciliés, étaient devenues telles qu’on pouvait prévoir une rupture prochaine. Les causes de la rupture furent, on le sait, le refus des Anglais de rendre Malte comme ils s’y étaient engagés par le traité, et les empiétemens au moyen desquels Napoléon ne cessait d’agrandir le territoire de la France sous, prétexte que le traité ne les lui interdisait pas formellement. Sir Robert Adair rapporte qu’en apprenant un de ces actes d’usurpation, Fox, qui n’avait pas encore quitté Paris, s’écria, dans un mouvement d’impatience que le hasard devait rendre prophétique : « Où tout cela finira-t-il ? Dans les sables de la Russie. »

Tels sont les détails[1] donnés par sir Robert Adair, pour démontrer que les rapports de Fox avec Napoléon ont été absolument sans importance. Sans doute, on peut trouver singulier que la curiosité n’ait pas, en l’absence même de toute sympathie, rapproché davantage ces deux grandes intelligences et donné lieu entre elles à des communications plus intimes. Cependant, en y réfléchissant, on comprendra que

  1. Ils ne forment pas un récit suivi dans l’ouvrage. Ils se trouvent dispersés dans le texte et dans les notes où nous avons dû les recueillir.