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s’irritaient de voir dans la diète les propositions dont ils se faisaient les organes systématiquement rejetées par la majorité que formaient les petits états. Pour s’ouvrir une carrière plus large, pour imprimer à l’ensemble de la Suisse une impulsion capable de la faire participer aux grands événemens européens, une modification du pacte fédéral était nécessaire. Les sept cantons chez qui l’élan révolutionnaire subsistait dans toute sa force s’entendirent pour la demander. Berne était, comme on pouvait s’y attendre, à la tête de ce mouvement ; Zurich et Lucerne s’y associaient avec plus de réserve. Ceux qui le favorisaient n’accordaient encore que peu d’attention aux différences religieuses ; les intérêts politiques les préoccupaient entièrement.

L’argument principal dont les adversaires du pacte faisaient usage reposait sur l’énorme inégalité de droits politiques que cette constitution établit d’ans le conseil suprême de la nation. Les états les plus considérables en population, en richesses, en lumières, y pèsent moins que les autres cantons, qui, tous ensemble, n’équivalent pas à la seule république de Berne. Les douze mille pâtres d’Uri, dépourvus de capitaux et d’instruction, tiennent en échec par leur vote l’état riche et lettré de Zurich, et Zug, avec ses quinze mille bergers, peut annuler par son opposition le vœu des cent cinquante mille citoyens de Saint-Gall. En outre, on se plaignait que le changement bisannuel de direction condamnât la politique de la Suisse à des fluctuations périodiques qui lui ôtaient toute vigueur ; on regrettait que le manque de forces militaires permanentes forçât la diète à faire, en toute rencontre, occuper les cantons troublés ou réfractaires par les milices d’autres états, si bien que la seule ressource contre la guerre civile fût, pour ainsi dire, de l’organiser. On taisait un dernier motif de mécontentement et l’un des plus graves : c’est que dans une république unitaire des existences grandes et lucratives peuvent s’obtenir, tandis que vingt états distincts, dont chacun est médiocre et pauvre, ne sauraient offrir au patriotisme d’autre appât qu’une estime rarement accompagnée de gloire, la médiocrité dans la fortune et l’abnégation dans le travail.

Les défenseurs du pacte répondaient que, les états dont la confédération se compose étant souverains dès leur origine, aucun d’eux ne pouvait consentir à recevoir la loi de ses voisins, quelle que fût d’ailleurs la supériorité matérielle ou même intellectuelle de ceux-ci. Le pacte, disaient-ils, avait le mérite essentiel de maintenir l’indépendance cantonale, sans entraver les progrès qui pouvaient s’accomplir dans l’intérieur de chaque état à l’aide des capitaux et de l’intelligence des habitans. Après tout, la défense commune était assurée contre les dangers extérieurs, et plus la Suisse trouverait d’empêchemens à quitter, vis-à-vis du reste de l’Europe, son rôle de neutralité absolue, plus ses intérêts véritables seraient garantis. Enfin l’exemple des ancêtres donnait à ces