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Par conséquent, l’assemblée générale des états suisses est un congrès de vingt-deux plénipotentiaires liés par leurs instructions, et dont le droit demeure égal, bien qu’entre les états qu’ils représentent il existe des différences de population dont le maximum est d’un à trente[1].


« La diète se rassemble dans le chef-lieu du canton directeur. Le premier magistrat de ce canton la préside. Ses décisions sont prises à la simple majorité des voix (cette majorité est de douze voix contre dix), sauf pour les cas de paix et de guerre, ou pour la conclusion de traités d’alliance. Pour ces décisions importantes, les trois quarts des voix sont nécessaires.

« Les cantons peuvent traiter en particulier avec des gouvernemens étrangers pour des capitulations militaires.

« Les envoyés diplomatiques de la confédération sont nommés et révoqués par la diète. Celle-ci peut adjoindre à ce directoire des représentans fédéraux nommés par les cantons, dans l’ordre et les proportions qu’on stipule.

« Trois cantons seuls alternent dans les fonctions de canton directeur (Vorort) ce sont Zurich, Berne et : Lucerne. Chacun d’eux les remplit pendant deux ans. »


Telles sont les bases politiques de la constitution fédérale qui régit actuellement la Suisse. On dirait que les auteurs de cette loi ont voulu ôter au pays la possibilité de la modifier légalement, par la suite, dans ce qu’elle a d’essentiel. Comme le pacte repose sur l’adhésion unanime et libre de vingt-deux cantons souverains, le consentement de tous est, à la rigueur, nécessaire pour qu’un changement quelconque puisse y être valablement introduit ; de même, la garantie des puissances signataires du traité de Paris, ayant été explicitement donnée en vue du pacte, semblerait devoir être invalidée, si cette constitution venait à être modifiée sans la ratification de chacun des états garans. Imposer à la Suisse une sorte d’immutabilité politique, tel fut probablement le but des hommes d’état qui, dans leurs sphères respectives, ont les uns conseillé, les autres déterminé la rédaction et l’acceptation définitive du pacte fédéral.

Pendant quinze ans, cet acte créa à la Suisse une situation qui, examinée superficiellement, pouvait paraître avantageuse. Les capitulations militaires conclues avec la France, la Hollande et d’autres pays, ouvraient à une partie de la jeunesse suisse une carrière que, malgré les protestations de beaucoup d’hommes éclairés et l’expérience de plusieurs générations, on s’accordait à regarder comme honorable. Les relations avec les puissances limitrophes étaient dignes et sûres. De grandes améliorations matérielles s’accomplissaient dans presque tous les cantons. Le commerce prospérait en dépit des restrictions dont il était, à l’intérieur, grevé par les péages, et, à l’extérieur, frappé par les tarifs hostiles des contrées voisines ; il prospérait par la force indestructible

  1. L’état de Berne renferme le maximum de population, et celui d’Uri le minimum.