Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/999

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à élever l’eau, trop souvent abondante au fond des mines, de 300 mètres, 400 mètres, 500 mètres de profondeur, non avec des pompes ou au moins dans un tonneau, mais au moyen d’un sac en cuir suspendu à une corde que manœuvrent péniblement des mules lancées au grand galop[1]. Dans les mines, des puits d’une largeur sans exemple, plus larges que la façade de l’habitation d’un citoyen riche à New-York, et nul effort pour utiliser dans l’intérêt du service, pour la salubrité de la mine et pour la sécurité des ouvriers, ces trouées excessivement dispendieuses[2]. Avec d’aussi spacieuses voies du haut en bas de la mine, pas de moyens d’aérage. et des communications mal établies, périlleuses. On dirait d’un édifice érigé par un architecte sans intelligence, où, pour passer d’une pièce à la voisine, il faudrait faire le tour de la maison entière. A l’intérieur, on a trouvé moyen de rendre les transports très coûteux, en les faisant à dos d’homme, dans des galeries montantes fort rapides, tandis que rien n’eût été plus aisé que d’avoir des galeries de niveau, larges et élevées, avec des chevaux et des chemins de fer de service[3]. Ces différences-là, en regard de l’Europe, et bien d’autres, tiennent uniquement à une ignorance crasse et obstinée. D’autres circonstances de l’extraction des métaux précieux en Amérique sont originales dans leur nouveauté et autochtones. Ressortant du sol lui-même, elles sont commandées ou conseillées par lui. Quelquefois ce sont des transports considérables effectués par des animaux que le vulgaire européen, s’il en entend prononcer le nom, est tenté de ranger parmi les bêtes de la fable à côté de la licorne ; je veux parler des lamas et des alpacas[4], qui par milliers sont employés à ce service. Ailleurs, des bêtes de somme plus étranges encore, dont le spectacle humilie l’ami de la civilisation : des hommes tenant lieu de mulets

  1. Tout le monde sait, en Europe du moins, que le galop est l’allure où le cheval a le moins d’effet mécanique utile. Jusqu’à ce jour, on n’a pu le persuader aux mineurs mexicains.
  2. A la mine de Valenciana, trois puits ont coûté 10 millions ; à Mons, des puits de quatre cents mètres de profondeur, creusés au travers d’un terrain qui renferme de l’eau par torrens et sur des dimensions qui suffisent à l’extraction de masses décuples de ce qu’on retire d’une mine d’argent, à l’aérage et à la descente des hommes, reviennent à 200,000 francs. C’est seize fois moins qu’un des puits de la Valenciana.
  3. On sait que l’emploi de petits chemins de fer dans les mines date d’assez loin.
  4. Ces animaux ressemblent à de grands moutons. Au Potosi, qui dépend de la Bolivie, 15,000 lamas et autant d’ânes transportaient, au commencement du siècle, les minerais de la mine aux fourneaux. Avant 1795, époque d’un écroulement général qui arrêta tous les travaux à la mine de mercure du Cerro de Santa -Barbara, près de Huancavelica, 7,000 alpacas et lamas, conduits et gouvernés par des chiens intelligens, portaient les minerais retirés du sein de la terre aux fourneaux destinés à extraire le métal par distillation, qui étaient placés aux portes de la ville de Huancavelica. Ces animaux sont inconnus au Mexique.