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sucre, son coton, son café, à plus forte raison son blé ; il n’en expédie pas à l’étranger. Un commerce extérieur de quelque étendue ne lui est possible qu’à l’aide des métaux précieux. Sous le régime colonial, le travail des mines était l’objet des soins particuliers du gouvernement, qui s’efforça d’y appliquer tous les moyens que la science possédait alors dans la Péninsule, et, malgré la médiocrité de ces ressources, la sollicitude de l’autorité eut de beaux résultats.

Dès le temps de Cortez, on s’était mis, on avait continué à travailler les mines d’argent de Tasco, de Sultepec, de Pachuca, de Tlapujahua, presque toutes exploitées déjà pour le compte des Montezumas. Bientôt après s’ouvrirent celles de Zacatecas, et même le filon de Guanaxuato fut attaqué dès 1558. A l’ouverture du XVIIIe siècle, le Mexique ne donnait que 27 millions de francs en or et en argent, mais, cinquante ans plus tard, il en était à 65. Peu après, la mine de Valenciana était en rapport, et, en 1775, le produit du Mexique montait à 85 millions. En 1788, il était à 107 millions, et en 1793 à 130. Il resta à peu près à ce point, tantôt le dépassant, tantôt restant en dessous de très peu jusqu’en 1810, où éclata la guerre de l’indépendance. L’or déclaré pour la perception de l’impôt représentait sur la masse annuelle, depuis 1775, de 10 à 15 millions.

Le Mexique, à ce moment, donnait plus d’argent que le reste de la planète ; il en est de même aujourd’hui encore.

Cette masse de métaux précieux, d’argent particulièrement, a été convertie à peu près entièrement en piastres. Comme l’Amérique espagnole fournissait presque tout l’argent mis au jour dans le monde, la piastre espagnole devint la monnaie la plus usuelle du commerce général. 8 piastres 1/2 pèsent un marc de Castille, et le titre primitif fut primitivement de 11/12 de fin (ou de 917 parties sur 1,000). Le quadruple d’or est de même poids et fut d’abord de même titre que la piastre. C’est pour l’or ce qu’on nomme 22 karats. Jusqu’en 1772, le gouvernement espagnol observa scrupuleusement les règles qu’il s’était tracées pour le monnayage, et le titre des piastres resta à 11 /l 2, ou, selon la langue monétaire, à 11 deniers. A cette époque, le cabinet de Madrid crut pouvoir impunément violer ses engagemens envers le monde entier, qui se servait de sa monnaie en toute confiance, comme de la représentation la plus fidèle des valeurs. Le titre fut clandestinement réduit de 917 millièmes à 903. Inutile de dire que le commerce s’aperçut aussitôt de l’altération, et que la piastre nouvelle ne circula que pour ce qu’elle valait. On avait pris des précautions puériles pour envelopper la fraude de mystère. On donnait de faux poids aux essayeurs pour qu’ils s’en servissent devant le public, comme s’il n’y avait eu d’essayeurs qu’à Mexico ou à Lima. Jusqu’à l’indépendance, en nommant ces agens, on leur faisait prêter serment de ne pas divulguer ce secret d’état, que